Le problème des réfugiés a révélé, en même temps, les incohérences de l’Europe et la responsabilité des États arabes riches. Viktor Orban, le Premier ministre hongrois, a donné libre cours à ses litanies racistes contre les musulmans. La Roumanie, la République tchèque et la Slovaquie refusent de participer à l’effort décidé par l’Union européenne d’accueillir 120 000 réfugiés. L’Allemagne a ouvert ses frontières plus par intérêt économique et démographique que par humanisme. Les pays nordiques, fidèles à leurs traditions d’asile, ont fait ce qu’ils pouvaient. Et la gauche française, coincée entre le discours xénophobe du FN et les tendances populistes de la droite (genre Nadine Morano), est frileuse. Bien sûr, il n’est pas question d’accueillir, etc. Mais il faut juste rappeler que si ­l’Europe et l’Amérique avaient fait leur devoir en intervenant en Syrie au moment où Bachar ­al-Assad utilisait des armes chimiques contre son peuple, en août 2013, si elles avaient mis fin à sa stratégie criminelle, on n’en serait pas aujourd’hui à disserter sur l’accueil ou non de ­centaines de milliers de réfugiés syriens. Obama a non seulement commis une grave erreur, mais il a manqué à son devoir de garant de la paix, rôle que le comité Nobel lui avait attribué en lui remettant son prix. Il va falloir qu’il rende cette distinction s’il veut être cohérent avec lui-même. 

Aujourd’hui, le sort des réfugiés dépend du bon vouloir de Poutine. C’est lui qui aide et conseille Bachar al-Assad. C’est lui qui tient à revenir sur la scène du Proche-Orient alors que les millions de réfugiés syriens ne rêvent que d’une chose : retourner chez eux. Ils ne sont pas aux portes de l’Europe et d’autres pays pour un joli pique-nique. Ils sont là parce qu’ils ont fui les bombes de l’armée de Bachar et la barbarie de Daech dont il faut rappeler aussi l’origine. Le président syrien n’a-t-il pas libéré des milliers de prisonniers islamistes radicaux pour diviser la toute jeune opposition syrienne à la fin des printemps arabes ? Les États du Golfe et des fortunes privées locales n’ont-ils pas financé des groupes armés qui leur avaient promis d’instaurer un État islamique non seulement en Syrie et en Irak, mais dans tout le monde arabe et même en Europe ?

Pour être clair, disons que la responsabilité est d’abord arabe, ensuite occidentale. Pour cette raison, les riches États du Golfe devraient libérer quelques milliards de dollars pour financer des camps de réfugiés en Europe et dans les pays arabes qui ont accueilli ces nouveaux « damnés de la terre ». Pour eux, ce ne sera pas grand-chose. Cela leur permettrait de redorer leur blason terni par tant d’incohérence et ­d’erreurs. Ils ont là l’occasion de donner à la fraternité arabe un sens. 

En attendant que faire ? Discuter avec Poutine, lequel détient le trousseau de clés qui pourrait servir à mettre fin à la guerre civile en Syrie. Il faut faire vite car plus de six millions de Syriens sont hors de leur pays. Le chiffre des morts ne cesse d’augmenter. Des villes sont détruites avec leur patrimoine artistique et culturel. En parlant avec Poutine, forcément on parle aussi à Bachar. Il est certes méprisable et sera un jour jugé. Mais pour l’instant, il s’agit de négocier, sauver des vies. Là est la solution pour ces centaines de milliers de familles qui cherchent l’asile en attendant de rentrer à la maison.  

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