Quelles sont les caractéristiques d’un mur de séparation ? 

Contrairement à une frontière, un mur est toujours une construction uni­latérale : un seul des deux pays qu’il sépare est à l’origine de sa construction. Il est généralement fait de grillage, de barbelés et de béton ; il peut aussi s’accompagner d’un fossé et d’un remblai. Au Sahara occidental, un mur de sable mesurant deux à trois mètres de haut, renforcé par le plus grand champ de mines au monde, protège le « Sahara utile » contrôlé par le Maroc des incursions du Front Polisario et maintient aujourd’hui la division de ce territoire au statut encore non défini. 

Érigés en plein désert, le long d’une frontière ou au cœur d’une ville, ces murs ont-ils des points communs ? 

Pour beaucoup, ces murs cristallisent des peurs et des traumatismes anciens. À Belfast, les « peace­lines » qui séparent les quartiers catholiques et protestants datent des années 1970. Même si, aujourd’hui, toute la population se mélange dans le centre-ville, personne ne veut démolir ces murs. Les deux communautés se sont habituées à leur présence et n’ont pas encore assez confiance en elles, ni en leurs voisines pour vivre sans. C’est la même chose à Chypre, où la majorité de la population chypriote grecque au sud se désintéresse de plus en plus de ses voisins chypriotes turcs au nord. 

Un mur de séparation est-il la garantie du maintien de la paix ? 

Non, pas forcément. Il attise aussi la violence. À la frontière entre les deux Corées, dans la « zone démilitarisée », la moindre étincelle entraîne de grandes tensions. Régulièrement, les Sud-Coréens lancent des messages démocratiques accrochés à des ballons en direction de leurs voisins du Nord. Au mois de mars, cette pratique a dressé les deux pays l’un contre l’autre. Leurs armées étaient prêtes à en découdre. 

Un mur peut-il être lui-même générateur de violence ? 

Oui, ça arrive. En Palestine par exemple, le mur crée de la rancœur. Il a été construit pour lutter contre les infiltrations terroristes en séparant les Palestiniens des Israéliens mais en réalité, il sépare les Palestiniens entre eux. Cette construction est impressionnante par son absurdité, par sa violence et par l’oppression qu’elle génère. De manière plus générale, les murs situés le long d’une frontière sont souvent des zones de non-droit, favorables aux dérives. 

Quelles sortes de dérives ? 

Il est courant que des gardes-frontières soient impliqués dans des trafics, comme entre l’Inde et le Bangladesh. À Ceuta et Melilla, ils arrêtent arbitrairement les « femmes mulets » marocaines, qui transportent des produits de la zone détaxée, et les forcent à les payer. Si elles refusent, ils les frappent avec des bâtons. Les autorités ferment les yeux sur un certain nombre de choses. Au nom de la sécurité, tout est permis. 

Que se passe-t-il en Hongrie ?

Avec la Hongrie, c’est le mur invisible de Schengen – c’est-à-dire les frontières extérieures de l’Europe – qui devient visible. Cette barrière existait déjà mais en la matérialisant, les hommes politiques veulent montrer qu’ils prennent le problème à bras-le-corps avec des mesures concrètes et visibles. Mais les contournements se poursuivront, même si les systèmes de surveillance de plus en plus sophistiqués rendent le prix de ce contournement plus élevé. Le mouvement des hommes n’a jamais été arrêté par la construction de murs. 

 

Propos recueillis par MANON PAULIC

 

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