Ce ne sont pas Des raisons de santé ou d’âge qui ont poussé le précédent pontife à renoncer à sa charge. Si Joseph Ratzinger décide d’user de cette possibilité, c’est qu’il est à bout de force et à bout de moyens. À quoi fait-il face alors ? Une crise violente touche son entourage. Au plus près de lui, Paolo Gabriele, son majordome, transmet à un journaliste les copies des dossiers confidentiels qui passent sur son bureau. Ce sera l’affaire « Vatileaks ». L’homme expliquera qu’il voulait desserrer la pression qui pesait sur le vieux pape. Son collaborateur le plus proche, le cardinal Bertone qui, en tant que secrétaire d’État, fait office de Premier ministre, voit son autorité contestée. Des cardinaux parmi les plus influents, comme le cardinal Scola, archevêque de Milan, exigent sa tête. 

L’administration du Vatican, la curie, et en particulier l’Institut des œuvres religieuses (IOR), plus couramment nommé « banque du Vatican », fait face pour sa part à des scandales de corruption d’une ampleur inégalée. Et les scandales de mœurs ne cessent pas, des affaires de pédophilie éclatent. Le prêtre mexicain Marcial Maciel Degollado, une figure influente au Vatican, fondateur de la Légion du Christ, se retrouve compromis et finalement accusé d’abus sexuels. Par ailleurs, l’existence supposée d’un « lobby gay » fait l’objet de rumeurs. Sans doute Rome en a-t-elle vu d’autres, mais cette fois, tout est public. Ce petit monde habituellement feutré, loin du grand théâtre médiatique, ne peut plus cacher les luttes qui l’agitent.

Au conclave de 2005, les cardinaux n’ignoraient rien de ce qui couvait. Le pape Jean-Paul II, grand voyageur, avait méprisé la curie en choisissant de passer par-dessus elle. Il privilégiait un lien direct avec les catholiques du monde. L’administration curiale avait patiemment attendu son heure et profité de la longue agonie de ce pape pour reconquérir les positions de pouvoir qui lui avaient été disputées lors du concile Vatican II, entre 1962 et 1965.

Quand ils élisent Joseph Ratzinger, brillant théologien et gardien de la doctrine catholique sous le pontificat de Jean-Paul II, les cardinaux pensent que le vieux fonctionnaire de la curie dont ils connaissent la rigueur intellectuelle et morale saura remettre de l’ordre dans cette « curie d’Augias ». Hélas, les attentes des cardinaux sont cruellement déçues. Benoît XVI est un homme de bibliothèque et de dossiers, pas de décision et de gouvernement. Et son secrétaire d’État, Bertone, collaborateur de toujours, ne l’est pas davantage. Les erreurs de communication se succèdent comme, en 2009, la levée de l’excommunication d’un évêque intégriste, dénoncé comme négationniste. Le bilan est terrible, la crédibilité de l’Église catholique atteinte comme jamais. La très riche Église d’Allemagne tire le signal d’alarme ; elle perd chaque année des dizaines de milliers de fidèles qui décochent la case « catholique » sur leur feuille d’impôt. Les recettes s’en ressentent.

À 86 ans, Benoît XVI ne trouve pas la force de faire face et démissionne. Au cours des « congrégations », ces réunions préparatoires au conclave qui va élire Jorge Mario Bergoglio, les cardinaux font le bilan avec lucidité. Il faut un homme capable de « casser le moule » et de briser la puissance de la curie. Le cardinal argentin impressionne par sa détermination, par la netteté de ses propos. Il est élu facilement ; les cardinaux ont trouvé leur « nettoyeur »… Sauf que le nouveau pape n’entend pas s’occuper seulement de la curie, mais bien de toute l’Église. Ce jésuite enfile l’habit dominicain (origine du vêtement blanc du pape) et choisit le nom du fondateur des franciscains : saint François d’Assise. Élu à 77 ans, il est pressé. Chaque jour, il pointe les maladies de l’Église : pas assez pauvre, pas assez missionnaire, pas assez évangélique. On murmure que des cardinaux (combien ?) regrettent leur audace. Jusqu’où ira François ? Et surtout les cardinaux confirmeront-ils leur volonté de changement lors de l’élection suivante ou reviendront-ils à des choix plus classiques ? La bataille est engagée.  

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