Astrologie, voyance, horoscope, cartomancie… Quelles différences ?

On peut regrouper toutes ces pratiques – qui incluent également la numérologie ou encore la radiesthésie – sous le terme de « techniques prédictives ». Elles ont pour but d’aider les personnes qui les consultent à se projeter dans l’avenir, en obtenant des réponses à des questions ou bien des conseils. Si chacune de ces techniques a des spécificités, elles font toutes partie d’une même « galaxie », et leurs adeptes passent régulièrement de l’une à l’autre – on peut ainsi aller voir un astrologue tous les ans, tout en se faisant tirer les cartes entre-temps.

Il faut toutefois distinguer deux catégories : les techniques qui, comme l’astrologie, s’appuient sur des calculs en fonction du mouvement des planètes et des étoiles, et qui peuvent théoriquement être apprises par tout un chacun, et celles qui, comme la voyance ou la médiumnité, relèvent pour ceux qui y croient du « don ».

Qui sont les astrologues et les voyants d’aujourd’hui ?

Au cours de mon enquête, j’ai rencontré des profils très variés. Mais la plupart du temps, les astrologues ne viennent pas de familles d’astrologues. Ils se sont consacrés à cette activité à l’âge adulte, souvent après une consultation réussie, et ont commencé en faisant le thème astral de leurs amis, avant de se professionnaliser. Sauf quelques exceptions, ils ne peuvent pas en vivre – après tout, les astres ne bougent pas assez vite pour pouvoir proposer plus d’une consultation par an. Alors ils font aussi du coaching, de l’hypnose, parfois même de la psychanalyse d’orientation jungienne.

« Aujourd’hui, si des astrologues ou voyants passent en justice, c’est pour escroquerie ou abus de faiblesse, mais pas pour leur activité en tant que telle »

Bien évidemment, il n’y a pas de diplôme ni de formation reconnue qui permettrait de normer ces activités. Les praticiens doivent donc se légitimer eux-mêmes. Et ils le font la plupart du temps en délégitimant les autres : les astrologues qui font des consultations disent que les horoscopes « ne sont pas sérieux », et ainsi de suite.

Un point à garder en tête : les techniques prédictives ne sont pas, en tant que telles, illégales. Elles l’ont longtemps été, au nom d’un article du Code pénal de 1810, qui condamnait les métiers de devin et de « pronostiqueur », mais cet article a disparu en 1994. Il était de toute façon très peu utilisé. Aujourd’hui, si des astrologues ou voyants passent en justice, c’est pour escroquerie ou abus de faiblesse, mais pas pour leur activité en tant que telle.

Comment ces pratiques divinatoires ont-elles évolué depuis la révolution numérique ?

La première grande évolution, c’est la diffusion des connaissances. Avant, les personnes intéressées par l’astrologie ou la voyance consultaient des livres. Maintenant, de nombreuses ressources sont disponibles en ligne, avec des vidéos et des sites dédiés, très accessibles. La diffusion est plus facile et bien plus large.

La révolution numérique a également beaucoup touché le secteur des horoscopes. Par le passé, on trouvait ceux-ci essentiellement dans les journaux féminins, la PQR ou à la télévision. Aujourd’hui, ces formats sont concurrencés par des applications toujours plus variées qui proposent à l’envi horoscopes et thèmes astraux. De nombreuses applis de rencontre s’appuient d’ailleurs dessus, en proposant de vous mettre en contact avec un partenaire d’un signe compatible.

L’impact sur la voyance et la médiumnité est toutefois plus difficile à mesurer. Certes la voyance en ligne existe, mais la présence physique demeure très importante, car beaucoup de choses se jouent dans l’interaction entre le voyant et le client lors de la consultation.

Comment expliquer la récente popularité de ces pratiques ?

En réalité, cette popularité remonte au milieu du xxe siècle et n’a cessé de croître depuis. Elle est simplement plus visible grâce à la présence numérique, à la visibilité sur les réseaux sociaux et à l’utilisation récurrente de motifs issus de l’astrologie dans la mode ou dans la pop culture.

« Beaucoup d’hommes ont un regard très critique sur l’astrologie ou la voyance, qu’ils assimilent à des pratiques genrées et qu’ils considèrent, parce que féminines, comme irrationnelles et peu sérieuses »

Ces pratiques sont particulièrement populaires auprès des femmes, qui représentent la grande majorité des clients. Ces femmes n’y vont pas par simple curiosité ; elles y vont parce qu’elles ont un problème, une douleur dans leur existence que les psychothérapies traditionnelles ont parfois échoué à traiter.

Un aspect intéressant, c’est la popularité de ces pratiques – du moins de leur symbolique – dans certains mouvements féministes. On peut le comprendre ainsi : beaucoup d’hommes ont un regard très critique sur l’astrologie ou la voyance, qu’ils assimilent à des pratiques genrées et qu’ils considèrent, parce que féminines, comme irrationnelles et peu sérieuses ; dès lors, revendiquer l’astrologie et la voyance – tout comme revendiquer la figure de la sorcière ! – peut être compris comme une affirmation féministe, contre les préjugés masculins.

Croit-on réellement à ces prédictions ?

C’est une question difficile. Les psychologues ont mis en évidence ce qu’ils appellent l’« effet Barnum » : lorsque l’on prend personnellement des énoncés très vagues et généraux, et qu’on les rattache inconsciemment à des aspects précis de notre vie. Cela explique en partie l’attrait pour certaines de ces pratiques.

Pour ce qui est des horoscopes, des applications de numérologie, de toutes ces « petites prédictions », l’attitude la plus répandue a été résumée par le psychanalyste Octave Mannoni en une phrase : « Je sais bien, mais quand même… » C’est-à-dire : « Je sais bien que c’est faux, mais je les lis quand même avec plaisir. » Et, effectivement, au cours de mes enquêtes, on m’a souvent dit : « J’y crois sans y croire. » Cette attitude est la plus courante : à la fois l’adhésion et la distance, une pratique ambivalente, qui peut aussi être ludique ! C’est pourquoi il ne faut pas non plus surestimer l’importance de ces pratiques chez un individu. Elles ne sont probablement pas prises au pied de la lettre.

Même si l’on adopte le plus souvent une forme de distance, l’astrologie présente-t-elle un danger ?

Le premier point de vigilance est bien entendu l’aspect financier : quand les consultations s’enchaînent à un rythme très rapide, quand les prix sont excessivement élevés, là, il peut y avoir lieu pour les proches d’intervenir. De la même manière, si les voyants ou les astrologues commencent à s’immiscer dans le quotidien – par exemple, en suggérant de cesser un traitement médical, de rompre avec des proches… –, dans ce cas, ces relations peuvent être qualifiées d’emprise. 

 

Propos recueillis par L.H.

 

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