Implants cérébraux

l’humain bientôt augmenté ?

 

Les implants cérébraux vont-ils révolutionner les capacités de notre cerveau ? Aussi appelés « interfaces cerveau-machine », ces dispositifs, que l’on insère dans la boîte crânienne, peuvent servir différents objectifs.

« Certains dispositifs invasifs mesurent l’activité de plusieurs dizaines de neurones à l’aide de micro-électrodes », explique le chercheur en neurosciences à l’Inserm Jérémie Mattout, également chargé de recherche au Centre de recherche en neurosciences de Lyon. Ces éléments sont ensuite interprétés et traduits en commandes ou en informations pour un système. « Dans le cas d’une paralysie très sévère, et après apprentissage, des études pionnières ont montré que ces implants pourraient être utilisés pour traduire l’activité neuronale en commandes pour un ordinateur, un exosquelette, un bras robotisé… » indique le chercheur. D’autres dispositifs permettent de stimuler certaines zones du cerveau. Des essais ont notamment été réalisés au CHU de Grenoble auprès de patients souffrant de la maladie de Parkinson : en leur implantant des électrodes au sein de structures profondes du cerveau, les neurochirurgiens arrivaient à atténuer voire supprimer les symptômes de tremblements de la maladie. Efficace, cette technique est aujourd’hui répandue.

Ces dernières années l’entreprise d’Elon Musk Neuralink, qui conçoit des implants cérébraux, a fait couler beaucoup d’encre. En mai dernier, le premier patient test atteint de quadriplégie a vu son implant reconfiguré après que la majorité des électrodes eut glissé en dehors de son cerveau. Malgré une baisse de performance, l’implant lui permettait néanmoins toujours d’effectuer certaines tâches, comme jouer aux jeux vidéo ou répondre à ses mails. En août dernier, le dispositif Neuralink était inséré chez un deuxième patient. Moins médiatisées, les recherches de certaines universités sont pourtant, elles aussi, très prometteuses, comme celles de l’université Stanford, aux États-Unis, publiées dans une étude pour la revue Nature en 2021. « Des électrodes ont été implantées dans le cortex moteur d’un patient paralysé pour enregistrer son activité cérébrale dans les aires liées au contrôle de la main. Le patient s’imaginait écrire sur du papier, et cette activité cérébrale était ensuite interprétée par des systèmes d’intelligence artificielle et retranscrite sous forme de mots sur un écran d’ordinateur connecté à l’implant », décrit le neuroscientifique.

Mais ces dispositifs sont également porteurs de questions éthiques et métaphysiques. « Un implant cérébral est un dispositif très particulier, car il s’insère au cœur de ce qui nous définit en tant qu’être humain, là où notre conscience émerge, où nos pensées foisonnent. Cela pose la question de l’artificialisation de l’être humain », explique Éric Fourneret, maître de conférences en philosophie au laboratoire Ethics à l’Université catholique de Lille, au sein de la chaire « Éthique, technologie et transhumanismes ». L’enjeu n’est pas le même selon que l’on poursuive ou non des buts médicaux. « Si un tel dispositif permet d’améliorer la mémoire d’un patient souffrant d’Alzheimer – ce que l’on n’est pas capable de faire aujourd’hui –, c’est très bien. S’il est destiné à aider un étudiant en médecine à passer son concours, ce n’est plus de la médecine mais de la triche », juge le philosophe. Ne pouvant vraisemblablement pas être développées à grande échelle, ces technologies, très coûteuses – certains implants sont dotés d’aiguilles en diamant ou en or –, pourraient aussi favoriser les inégalités. Reste également à prévenir les risques chirurgicaux et relatifs au maintien de ces dispositifs, à améliorer la biocompatibilité des matériaux et à perfectionner le décodage de l’activité cérébrale – « on ne lit pas dans le cerveau comme dans un livre ouvert », rappelle Jérémie Mattout. 

EMMA FLACARD

 

 

Vaccins contre les cancers

la nouvelle frontière médicale ?

Peut-on espérer vaincre le cancer, maladie qui est aujourd’hui encore la première cause de mortalité en France, provoquant 157 000 décès annuels, et qui concernerait, selon les estimations, environ 433 000 nouvelles personnes chaque année dans le pays ? L’immunothérapie, soit l’ensemble des traitements qui visent à stimuler les défenses immunitaires de l’organisme contre les cellules cancéreuses, fait déjà ses preuves et, parmi ces traitements, les vaccins anticancer suscitent actuellement beaucoup d’espoir.

Il en existe deux types. Les plus efficaces aujourd’hui sont ceux qu’on appelle les vaccins prophylactiques, soit des vaccins préventifs, qui vont produire des anticorps. « 10 à 15 % des cancers sont liés à un virus, comme le papillomavirus ou le virus de l’hépatite B, explique Éric Tartour, chef du service d’immunologie à l’hôpital parisien Georges-Pompidou. Si l’on parvenait à vacciner l’ensemble de la population mondiale contre ces virus, on pourrait déjà éradiquer une part importante des cancers, en traitant directement leur cause. »

Il est aujourd’hui également question de développer des vaccins thérapeutiques, soit des vaccins qui luttent contre le cancer une fois que la tumeur est déjà présente dans l’organisme. Si cette ambition s’est affirmée il y a longtemps, les essais cliniques ont pris un nouvel essor depuis le Covid, explique Éric Tartour. « La pandémie a favorisé le développement des vaccins ARN, ç’a été l’occasion de démontrer leur efficacité. » L’objectif est depuis d’utiliser la même technologie ARN, mais dans le cadre de la lutte contre le cancer. « Les tumeurs sont composées de cellules mutées. Au lieu de mettre dans le vaccin des informations génétiques qui produisent des copies de la protéine Spike du Covid, on introduit dans le vaccin ARN contre le cancer des informations qui produisent des copies de la protéine mutée de la tumeur cancéreuse », précise Éric Tartour. Le système immunitaire « perçoit » alors ces mutations comme anormales, et peut produire des cellules immunitaires qui ciblent les cellules cancéreuses.

C’est ce qu’ont testé les laboratoires Moderna et Merck MSD en administrant des vaccins ARN aux patients qui avaient bénéficié d’une chirurgie traitant leur mélanome, mais qui étaient sujets à un haut risque de récidive du cancer de la peau. Le risque de rechute ou de décès a ainsi été diminué de 49 % pour les personnes vaccinées dans le cadre de ces essais. Ces résultats concluants ont provoqué un engouement qui a permis de renouveler la recherche dans ce champ. « Cette technique a pour le moment été testée sur des malades du cancer de la peau, mais pourrait en principe s’appliquer à tous les cancers comportant des mutations génétiques, soit la grande majorité d’entre eux, comme celui du sein ou le cancer colorectal », expose Éric Tartour. La commercialisation du vaccin de Moderna est attendue dès 2025.

D’autres essais ont été menés à plus petite échelle, cette fois-ci pour cibler des tumeurs à un stade plus avancé, et non plus uniquement en situation adjuvante pour prévenir le risque de récidive. « De manière générale, nous avons de bonnes raisons d’être optimistes, se réjouit Éric Tartour, même si certaines inconnues demeurent. Et n’oublions pas que la diffusion de ces vaccins ARN dépendra aussi de nos progrès technologiques, puisqu’ils sont personnalisés selon le génome de chacun : il faut séquencer les tumeurs de chaque malade pour pouvoir produire une copie adéquate de sa protéine mutée. » Le séquençage de génome qui se faisait avant en un an se fait désormais en un jour, alors peut-être nous est-il permis d’espérer le meilleur… 

MANON DE LA SELLE

 

Fusion nucléaire

vers une énergie infinie ?

Disposer d’une source d’énergie quasi inépuisable et non polluante, c’est le rêve de nombreux physiciens grâce à la fusion nucléaire. Également appelée « fusion thermonucléaire », elle repose sur la réunion de deux noyaux atomiques légers afin d’en former un unique, plus lourd – à la différence de la fission nucléaire, phénomène par lequel un atome d’uranium lourd se scinde en deux atomes plus légers. La fusion génère quatre fois plus d’énergie par kilogramme de combustible nucléaire que la fission, et presque quatre millions de fois plus d’énergie que la combustion du pétrole et du charbon. « Aujourd’hui, les recherches se concentrent sur la fusion de tritium et de deutérium, deux isotopes de l’hydrogène », explique François-Marie Bréon, physicien-climatologue et porte-parole de l’Association française pour l’information scientifique (Afis). « Pour faire fusionner ces atomes légers, il faut les rapprocher l’un de l’autre à une température extrêmement élevée : plus de 150 millions de degrés Celsius, soit dix fois la température au cœur du Soleil. Deux grandes techniques sont envisagées : le confinement magnétique ou le confinement inertiel », ajoute-t-il. Dans le cas de la première, un plasma constitué d’un combustible de fusion de deutérium et de tritium est confiné par des champs magnétiques et porté à plus de 150 millions de degrés. Dans celui de la seconde, l’énergie proviendrait de la fusion de microcapsules de combustible (comme le tritium), sous l’effet par exemple d’un rayonnement laser. En 2022, un laboratoire américain a ainsi réussi pour la toute première fois, en utilisant 192 lasers, à produire davantage d’énergie que celle qui avait été apportée au système.

Les avantages de la fusion nucléaire sont potentiellement nombreux : elle émettrait très peu de CO2, générerait seulement une faible quantité de déchets radioactifs et proviendrait de ressources presque inépuisables – on peut en effet tirer de l’eau de mer du deutérium ainsi que du lithium, qui peut ensuite donner du tritium. « Il y a également moins de risques d’emballement, donc d’explosion, qu’avec le nucléaire actuel ; les réacteurs de fusion s’arrêtent immédiatement au moindre incident », précise François-Marie Bréon.

La fusion nucléaire reste toutefois encore à l’état de recherche. Officiellement créé en 2007, le programme international Iter associe trente-cinq pays dont ceux de l’Union européenne, l’Inde, le Japon, la Chine, la Russie et les États-Unis dans la conception d’un réacteur thermonucléaire de confinement magnétique, pour un coût total estimé à plus de 20 milliards d’euros. Les acteurs publics ne sont pas les seuls à s’intéresser à ce procédé : le physicien Greg de Temmerman, spécialiste de la fusion nucléaire, recensait en 2021, dans le magazine Usbek et Rica, « environ 28 entreprises ayant levé un total de 2 milliards de dollars ».

Les défis à relever pour réaliser la fusion nucléaire sont considérables, à commencer par la production de matériaux pouvant supporter des températures extrêmes. « La fusion nucléaire ne sera pas la solution pour ce siècle. Nous ne pouvons pas compter sur elle pour résoudre les problèmes liés au dérèglement climatique d’ici 2050 », conclut le chercheur. 

E.Fl.

 

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