Le baccalauréat institué en 1808 par Napoléon Ier a la singularité de posséder la double nature de sanction des études secondaires et de passeport pour l’entrée à l’université. Au tout début, il n’y a dans les jurys que des universitaires. Peu à peu, des professeurs du secondaire leur sont adjoints. Finalement, depuis au moins un demi-siècle, les jurys sont composés uniquement de professeurs du secondaire et présidés par un seul universitaire.

Pendant longtemps, le baccalauréat n’est à la portée que d’une toute petite élite sociale. Moins de 1 % d’une classe d’âge tout au long du XIXe siècle, à peine 3 % à la fin de la IIIe République. Dans un essai publié en 1925, La Barrière et le Niveau : étude sociologique sur la bourgeoisie française moderne, Edmond Goblot considère qu’une certaine « distinction » de classe est instituée par le baccalauréat, qui est un « brevet de bourgeoisie ». C’est sans doute dans cette distinction que l’on peut trouver l’origine de sa forte valeur symbolique en France.

Dans les premières années qui suivent la création du baccalauréat, l’examen est uniquement oral. En 1830, une circulaire ministérielle prend prétexte de l’ignorance de certains bacheliers en orthographe pour ajouter des épreuves écrites. Mais les modalités de passation du baccalauréat (et sa « valeur ») sont vivement contestées sous l’accusation récurrente de « bachotage » – expression reprise dans le titre d’un livre de l’universitaire Ernest Bouasse en 1910.

« Pendant longtemps, le baccalauréat n’est à la portée que d’une toute petite élite sociale »

En 1880, Jules Ferry tente une réforme du baccalauréat : « Il faut arracher cet examen aux misères et aux mensonges de la préparation mnémonique et mécanique. » Quatre-vingts ans après, il ne semble pas que l’on ait été beaucoup plus avancé, si l’on en juge par le rapport motivant le décret du 18 août 1959 : « Il est anormal que le baccalauréat compromette les études dont il doit couronner le terme. Ces études, qui devraient être uniquement orientées vers l’acquisition de la culture générale, s’orientent de plus en plus vers le ‘‘bachotage’’, c’est-à-dire l’acquisition hâtive, superficielle et indigeste d’un savoir encyclopédique. »

Dès les débuts de la Ve République, dans le cadre de la politique volontariste du général de Gaulle en matière d’encadrement (haut et moyen) technico-économique, on assiste à la mise en place d’enseignements post-secondaires courts. Les sections de techniciens supérieurs (STS) sont créées en 1959 et préparent à des BTS. Institués en 1965, les premiers baccalauréats technologiques sont décernés en 1969 : bacs F (industriels) et G (tertiaires) doivent alimenter en principe ces formations. Mais comme le baccalauréat reste juridiquement (et symboliquement) pourvu de sa double nature (et demeure donc un passeport tous azimuts pour l’entrée à l’université), leur destination de principe – l’enseignement supérieur court – est loin d’être toujours respectée.

« L’introduction d’une part de contrôle continu a été soutenue dès 1896 »

En 1985, le ministre de l’Éducation nationale Jean-Pierre Chevènement annonce que des « baccalauréats professionnels » sont créés et précise qu’il s’agit d’« offrir, à l’issue de la classe de troisième, trois voies d’égale dignité » : la voie générale pour « ceux qui ont les capacités de poursuivre des études aux niveaux les plus élevés de l’Université » ; la voie technologique « qui conduira ceux qui s’y engagent vers un niveau de technicien supérieur » et la « voie professionnelle, qui assure une possibilité de poursuivre la formation jusqu’au niveau du baccalauréat et même vers un niveau plus élevé ». Il y a donc l’affirmation (symbolique), par le titre même de baccalauréat, commun aux trois filières, d’une égalité de dignité, mais non d’une égalité de parcours ou de fonction (même si, compte tenu de sa double nature, l’obtention du baccalauréat permet juridiquement l’entrée à l’université). Cette sainte trinité s’affirme au moment où le ministre annonce l’objectif de « 80% d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat », qui ne sera réalisé qu’au début des années 2000.

L’introduction d’une part importante de contrôle continu dans l’évaluation du baccalauréat a été soutenue depuis longtemps par nombre de dirigeants politiques : Émile Combes dès 1896, Michel Debré en 1950, Lionel Jospin en 1989, Claude Allègre en 1997, François Fillon en 2005.

« Emmanuel Macron s’est situé dans cette ligne : " Nous faisons confiance au contrôle continu des professeurs pour l’entrée dans les formations sélectives" »

Le 10 avril 2014, François Fillon est revenu à la charge : « Je propose de réduire à quatre le nombre d’épreuves en renforçant les exigences de chacune d’entre elles afin de mieux préparer aux études supérieures. Car, au fil des années, le nombre d’épreuves a augmenté parallèlement à un déclin des exigences attachées à chacune d’entre elles. Les disciplines ne faisant pas l’objet d’une épreuve pourront être notées dans le cadre du contrôle continu. » 

Emmanuel Macron s’est situé dans cette ligne : « Nous faisons confiance au contrôle continu des professeurs pour l’entrée dans les formations sélectives (écoles préparatoires aux grandes écoles, STS, IUT). Pourquoi en seraient-ils incapables pour le baccalauréat ? Je souhaite donc simplifier le baccalauréat. Quatre matières seront passées en contrôle terminal, les autres seront validées en contrôle continu. » (L’Étudiant, 30 mai 2017). 

Ce n’est pourtant pas ce que le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer met en œuvre en cette rentrée scolaire. Il n’y aura qu’une part (de 10 %) pour le contrôle continu évoqué par François Fillon et Emmanuel Macron, à laquelle on peut ajouter la mise en place (pour une part de 30 % dans l’évaluation totale du baccalauréat) de multiples épreuves communes de contrôle continu, au risque d’amplifier le « bachotage » en le disséminant tout au long des deux dernières années du secondaire. 

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