Mettez-moi au ban de l’humanité
Avec vos mensonges, vos calomnies,
Traînez-moi dans la boue, et cependant
Tête haute je me tiendrai.

Insupportable, mon impertinence ?
Et pourquoi donc votre mélancolie ?
À me voir, croirait-on que le pétrole
Jaillit dans mon appartement ?

Tout comme les soleils, comme les lunes,
Certaine et fixe comme les marées
Et tout comme le bondissant espoir,
Tête haute je me tiendrai.
 
Vous auriez voulu me voir démolie ?
La tête courbée et les yeux baissés ?
Épaules tombant ainsi que des larmes,
Gémissement d’âme affaiblie ?

Êtes-vous offensés par ma superbe ?
C’est donc si dur à digérer, mon rire
À croire que dans mon arrière-cour
Je fouillerais des mines d’or ?

Allez, fusillez-moi de vos paroles,
Percez-moi de vos yeux et tuez-moi
De votre haine. Libre comme l’air,
Tête haute je me tiendrai.

Je vous excite et ça vous tourneboule ?
Ça vous renverse si fort, que  je danse
En ayant l’air d’arborer des diamants
Au confluent de mes deux cuisses ?

Hors des poubelles de l’Histoire,
Tête haute.
Hors des souffrances du passé,
Tête haute.
Mer océane, immense et déchaînée,
Montante et roulant, je suis la marée.

Loin de moi l’effroi des anciennes nuits,
Tête haute,
À moi l’aurore splendide qui luit,
Tête haute,
Voici mes dons et tout mon héritage,
Ce qu’ont rêvé les miens, dans l’esclavage,
Tête haute je me tiendrai,
Tête haute,
Tête haute.

 

Traduit de l’anglais par Geneviève Brallion-Zeude et Robert Soulat
Extrait du recueil La Tête haute
© Belfond, 1980.

 

Même enfermé, l’oiseau se fait entendre. Ce qu’il chante, c’est la liberté. En 1969, Maya Angelou devient l’une des plus célèbres voix afro-américaines. Elle raconte son enfance dans l’Arkansas ségrégationniste. Je sais pourquoi chante l’oiseau en cage sera le premier de sept volumes autobiographiques. Ou comment lutter contre le racisme et le sexisme, et surmonter toutes les épreuves. Violée à huit ans, fille-mère à dix-sept, Maya Angelou prouve ses talents de danseuse dans des clubs de strip-tease avant de chanter dans l’opéra Porgy and Bess et de provoquer les spectateurs dans Les Nègres de Genet. Elle travaille pour Martin Luther King puis se rapproche de Malcom X, lors d’un long séjour africain en quête de racines. Paru en 1978, le poème ci-dessus participe de son combat. Elle interpelle le lecteur blanc, s’amuse de ses représentations de la richesse : pétrole, or et diamants. Les questions rhétoriques, les sarcasmes sont autant de défis aux malheurs concrets. La fierté prend la forme d’une nature incoercible, tandis que le refrain I’ll still rise (« Tête haute je me tiendrai ») passe dans les deux dernières strophes originales du futur au présent. Finies les promesses. Il est temps. 

 

À lire, Lady B chez Buchet/Chastel

 

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