Depuis leur création en 1790, l’une des principales missions des recensements américains est de fournir des statistiques sur les cinq « races » officielles qui composent la nation : 77,7 % de Blancs, 13,2 % de Noirs, 1,2 % d’Indiens, 5,3 % d’Asiatiques et 0,2 % d’individus originaires des îles du Pacifique en 2013. Les 2,4 % restants signalent plus de deux « races ». Les Noirs forment ainsi la plus grande minorité raciale du pays, puisque les Latinos (totalisant 17,1 % des Américains) sont comptés parmi les Blancs, comme les personnes originaires du Moyen-Orient ou du Maghreb. 

Des résultats récents ont fait sensation en démontrant que, même si les Blancs non latinos continuent d’être majoritaires, moins de la moitié des naissances appartiennent désormais à cette catégorie, ce qui ne permet plus de compenser les décès. L’inquiétude suscitée par ces statistiques a réveillé de vieux démons : si ces chiffres servent aujourd’hui principalement à alimenter diverses politiques sociales (allocation des budgets, discrimination positive, etc.), ils étaient initialement conçus dans une perspective ségrégationniste, afin, entre autres, de contrôler la « pureté de la race ». C’est contre cette perspective que la Constitution française a affirmé l’« égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion » et interdit jusqu’à aujourd’hui à la statistique publique de collecter des informations de ce type.

Régulièrement, des citoyens américains (intellectuels ou statisticiens) prennent la parole pour questionner la pertinence de cet héritage trouble. Ils pointent la fragilité de ces cinq catégories raciales, leur arbitraire et le métissage croissant de la population invalidant cette partition. Ils sont pourtant rares à proposer purement et simplement leur suppression des enquêtes tant les politiques publiques mises en œuvre en dépendent encore aujourd’hui. Obama a risqué une proposition : remplacer les critères raciaux par des critères sociaux, avec l’hypothèse qu’ils seraient plus puissants encore pour combattre les inégalités. En vain.

Vous avez aimé ? Partagez-le !