Les résultats des 17es élections législatives sont « tombés » et ils suscitent une question majeure : les institutions sauront-elles fonctionner avec ce nouveau scénario ? Jamais, sous la Ve République, l’Assemblée nationale n’avait connu une majorité aussi relative et une opposition aussi introuvable. Un bloc de majorité courte et deux oppositions relatives se font face avec un groupe LR pivot qui ne sera pas suffisant pour faire la bascule. Revoici le multipartisme de la IVe République sans le consensus de la proportionnelle ! Le scénario idyllique de la Ve République d’un gouvernement de cinq ans en harmonie avec son président n’est plus. Trois blocs ont émergé avec une seule place pour occuper Matignon et une grande inconnue : qui pourra gouverner la France plus longtemps que vit une rose ?

« Revoici le multipartisme de la IVe République sans le consensus de la proportionnelle ! »

Le calendrier politique est aussi tendu que la situation parlementaire, et il convient de rappeler d’abord les grandes incertitudes qu’il laisse peser sur la nouvelle Assemblée. Comme le veut la tradition républicaine au lendemain de toute élection (qu’elle soit gagnée ou perdue), le président de la République n’est pas tenu par la Constitution d’accepter la démission du gouvernement. S’ouvre alors une période d’incertitude, une forme d’intérim gouvernemental lors duquel le locataire de Matignon pare aux urgences. Si le gouvernement ainsi maintenu peut survivre, il restera en fonction jusqu’à ce que la nouvelle législature soit en place (comme ce fut le cas en 1962). Cette prolongation pourrait ainsi durer jusqu’au 18 juillet seulement, puisqu’il est bien possible que l’ordre du jour de cette nouvelle Assemblée s’organise autour d’une motion de censure contre le gouvernement démissionnaire. Reste que seul le président peut mettre fin à la durée de survie de ce gouvernement de transition en nommant un nouveau Premier ministre !

Une transition constitutionnelle s’ouvre là où une période d’incertitude électorale se clôt. Cette transition obligera à reconsidérer le temps politique et parlementaire : il faudra accepter le fait qu’il n’existe pas une seule mais de multiples et successives solutions de gouvernance. Un gouvernement de gauche pourrait prendre ses fonctions le temps qu’une motion de censure conduise à composer une coalition qui, elle-même renversée, laisserait la place à un gouvernement apolitique, etc.

Durant cette longue tempête parlementaire à traverser, l’attentisme politique pourrait conduire à privilégier des solutions de consensus (un budget réduit au simple fonctionnement ?) pour parvenir à garder la barre. Mais pour atteindre le consensus politique, encore faut-il accepter l’épreuve du temps, ce temps parlementaire qui était à l’œuvre sous la IVe République et qui faisait que des mois, voire des années, pouvaient être nécessaires pour adopter une loi (voire une loi de finances).

De nouvelles méthodes, choisies parmi les anciennes, pourraient donc ouvrir la voie à une manière inédite de pratiquer la Constitution. Et si les assemblées prenaient goût à ce parlementarisme de consensus au sein des institutions inchangées de la Ve qui, il est bon de le rappeler, n’a pas été conçue pour des majorités monolithiques et absolues, mais pour être « au-dessus des partis » ?

Dans ce paysage nouveau, rappelons que quelques certitudes demeurent.

La première : la démission du président de la République est un acte moral et personnel qui n’est en aucun cas prévu par la Constitution et qui ne changera rien à la fracturation de l’Assemblée. Celle-ci restera réunie pendant un an au minimum, comme le veut l’article 12 qui interdit deux dissolutions dans la même année.

Deuxième certitude : un gouvernement devra être nommé pour piloter la France, et non pour gérer des affaires courantes qui, il faut le rappeler, n’ont aucune existence constitutionnelle. Il faudra bien, en raison du principe de continuité de l’État, présenter un budget à la Commission européenne au mois d’octobre, célébrer le 14 Juillet, etc.

« quand tous les partis prétendent gagner l’élection, les Français la perdent »

Dernière certitude : les institutions tiendront puisqu’elles ne pourront être changées en l’état actuel de l’Assemblée nationale (qui ne s’entendra pas avec le Sénat). Le but de la Constitution n’étant pas de tout prévoir mais de tout supporter, les interprétations politiques se feront à l’échelle des hommes et se feront nécessairement. 

Quelques principes historiques doivent enfin guider l’avenir parlementaire.

Tout d’abord, les suites politiques données au résultat de ces élections doivent préserver l’unité du pays. Il conviendra de surveiller attentivement la désignation du Premier ministre qui, tout en étant une prérogative du président, repose sur la légitimité des urnes. C’est au groupe « gagnant » de choisir qui le représentera, mais celui-ci devra dans le temps résister au risque des oppositions coalisées qui peuvent proposer des motions de censure. Il devra également trouver, texte par texte, avec qui mener sa politique parlementaire. La seule ligne qui vaille est celle des urnes : la solution législative et gouvernementale devra respecter la pluralité de représentativité et permettre ainsi au pays de tenir la distance.

Autre leçon de l’histoire : quand tous les partis prétendent gagner l’élection, les Français la perdent. Seul reste l’article premier de la Constitution qui fait de la France une République une et indivisible. 

Durant cette année difficile qui s’ouvre, a minima, une cohabitation existera au sein du pouvoir exécutif, des coalitions d’appareil se noueront au sein du pouvoir législatif et jamais la Ve République n’aura eu à endurer autant d’épreuves. Elle en sortira modifiée dans son esprit mais pas dans sa lettre. 

Reste une dernière piste, présidentielle cette fois, fidèle tant à l’esprit de la Ve République de l’ancien monde qu’à son nouveau paradigme : celle du référendum, pour faire sentir à l’opinion que l’avenir appartiendra toujours à ceux qui y participent – pour le meilleur. 

Vous avez aimé ? Partagez-le !