L’analyse

1. La crise belge n’est pas uniquement une crise de la Belgique, elle est aussi une crise de la démocratie. (…)

2. Les élections ne -permet-tent plus la constitution d’un gouvernement, mais font au contraire, et paradoxalement, obstacle à une gestion politique valable. Les partis ne rationalisent plus la société, mais se coincent mutuellement en permanence. La politique est devenue un métier de chien, une forme spirituelle de danse de Saint-Guy. Nous nous rendons aux urnes plus souvent que par le passé, la pression des médias est bien plus grande, l’électeur est plus émancipé et plus critique qu’auparavant, la fidélité au parti n’existe plus.

3. Force est de constater l’affaiblissement des -acteurs de la société civile : les syndicats, les caisses d’assurance maladie et les coopé-ratives. (…)

4. Il faut encore compter avec l’arrivée d’un internet bien plus actif, appelé le web 2.0. Le citoyen belge n’a jamais auparavant été aussi rapidement informé des développements politiques qu’aujourd’hui. On peut à chaque instant suivre et commenter les péripéties, mais on ne peut voter qu’une fois tous les quatre ans. Pourquoi s’étonner dans ce cas que les forums en ligne de sites d’information débordent de glapissements frustrés ? Le citoyen n’a donc jamais été aussi émancipé et averti – et parallèlement aussi impuissant. Le politicien n’a jamais été aussi visible – et parallèlement aussi déphasé.

5. Le corps politique semble être une équipe méfiante de chirurgiens cardiaques qui doivent pratiquer une opération extrêmement compliquée, mais au milieu d’un stade de football dont les tribunes débordent de spectateurs. La foule hurle, les supporters ont envahi le terrain et, à chaque geste de l’un des cardiologues, crient ce que les médecins doivent ou ne doivent pas faire, ou les couvrent de quolibets. Aucun des chirurgiens n’ose encore bouger. Tout le monde attend. Les heures s’écoulent, le sort du patient ne compte plus.

6. La démocratie s’est corrompue en une dictature des élections.

Une solution alternative

Pourtant, tout peut en aller autrement. La démocratie est un organisme vivant. Mais pour notre époque, celle du web 2.0, aucune nouvelle forme démocratique n’a été trouvée.

1. L’innovation est stimulée dans tous les domaines, sauf dans celui de la démocratie. Les entreprises, les scientifiques, les sportifs et les artistes doivent innover, mais quand il s’agit d’organiser la société, nous faisons encore appel aux schémas hérités de 1830 (date de l’instauration de la démocratie représentative en Belgique).

2. Différents pays occidentaux ont expérimenté ces derniers temps des formes de démocratie délibérative. Dans une démocratie délibérative, les citoyens sont invités à prendre activement part aux délibérations portant sur l’avenir de leur société. Lorsque le conseil municipal de New York s’est posé la question de la réaffectation du site Ground Zero, il a réuni mille New-Yorkais pour en discuter. Au Canada, au Danemark et au Royaume-Uni, on a organisé des débats entre citoyens. Et en Islande, en 2011, même la rédaction d’une nouvelle constitution a été confiée à un groupe de vingt-cinq citoyens. Des citoyens qui ont l’occasion de se concerter peuvent trouver des compromis rationnels à condition d’être renseignés et d’en recevoir le temps. Cela a même réussi dans des -sociétés profondément divisées comme l’Irlande du Nord ! Les catholiques et les protestants qui ont rarement l’occasion de se parler, se sont avérés capables de trouver des solutions à des thèmes aussi éminemment sensibles que l’enseignement.

3. (…) La démocratie délibérative offre une méthode intéressante pour tenter de surmonter certaines impasses de la démocratie représentative. Elle ne prétend pas faire abstraction du fonctionnement des parlements et des partis, mais veut en être le complément. La démocratie délibérative pourrait bien être la démocratie de l’avenir.
Est-ce comparable à un référendum ? Non. Dans un référendum, on ne fait que voter, dans la démocratie -délibérative, il faut aussi parler et écouter. Le débat est le cœur battant de la démocratie. Lorsque les citoyens -s’entretiennent réellement, ils réussissent plus facilement à concilier leurs propres intérêts avec l’intérêt général. 

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