On a coutume de présenter les taux élevés d’abstention aux élections comme le symptôme d’une rupture consommée entre les citoyens et la sphère politique. Pourtant, l’étude des chiffres témoigne d’une réalité plus contrastée. Premier constat : en France, toutes les élections ne sont pas logées à la même enseigne. Certes, les taux d’abstention aux élections européennes (56,5 % en 2014) ou cantonales (55,3 % en 2011) sont élevés et ne cessent de croître depuis des décennies. Mais l’élection présidentielle enregistre pour sa part des taux d’abstention historiquement faibles depuis 1965 (19,7 % au second tour de l’élection de 2012). 

Autre piste de réflexion : et si l’abstention était une façon de participer au débat démocratique ? Non pas le signe d’une apathie politique, mais celui d’une exigence de renouvellement à l’égard des partis en place et d’une volonté de changement. Ce qui expliquerait que le taux d’abstention des jeunes de moins de 35 ans atteigne 73 % aux dernières élections européennes, alors même que cette classe d’âge est celle qui adhère le plus à l’idée européenne. Vivre l’Europe sans la soutenir par le vote.

À l’inverse, une participation importante n’est pas nécessairement un signe d’adhésion aux institutions. La montée simultanée de l’euroscepticisme et de la mobilisation électorale dans plusieurs pays européens pose question. En Grèce, le taux de participation aux élections européennes, plus élevé que la normale (58,2 % en 2014 contre 52,6 % en 2009), a ainsi largement bénéficié au parti Syriza d’Alexis Tsipras, très critique du fonctionnement actuel de l’UE, et permis l’émergence des néonazis d’Aube dorée, farouchement nationalistes et europhobes.

Vous avez aimé ? Partagez-le !