On le savait depuis deux ans : l’élection de Donald Trump a créé aux États-Unis une situation explosive entre pro et anti-Trump, les uns agitant le nom de leur champion comme celui d’un lutteur de foire mettant K.-O. les ennemis du pays (urbi and orbi), les autres se refusant à prononcer son nom par dégoût. Explosive, la situation l’est devenue au propre comme au figuré avec l’envoi de bombes artisanales, en milieu de semaine passée, aux Clinton, aux Obama et à une poignée de personnalités démocrates, à CNN ou encore au milliardaire George Soros, ennemi déclaré des conservateurs. Ces pipe bombs, toutes de tuyaux et de fils électriques, ont fait long feu, déclenchant seulement l’ire du locataire de la Maison Blanche jurant ses grands dieux que de tels actes, « intolérables et ignobles », n’avaient pas leur place dans son « America Great Again ». Mais, à l’approche des élections de mi-mandat, cet épisode électrise davantage une campagne qui voit le pays de Jefferson, le président des Lumières, s’obscurcir de façon inquiétante. Quelle est cette Amérique dont le visage se crispe, au point d’être défiguré, dans un état de pré-guerre civile qu’a pu observer notre envoyée spéciale Anne Nivat ?

À n’en pas douter, Donald Doc et sa potion tragique restent Mystère Trump, pour nous Français comme pour nombre de ses concitoyens. Comment un homme aussi primaire, binaire, vulgaire, infligeant une telle purge à son pays, peut-il jouir d’un pareil soutien malgré les bruyantes casseroles qu’il traîne derrière lui, des soupçons de manipulation russe lors de son élection à ses frasques sexuelles, de ses diatribes endiablées contre tout ce qui bouge – les médias, les Nord-Coréens, les Iraniens, les Européens, les défenseurs du climat – à ses oukases twittés non-stop ? Réponse ? « It’s the economy, stupid ! » (« C’est l’économie, idiot ! »), comme disait naguère un conseiller de Bill Clinton à l’adresse du perdant George Bush père, défait en 1992 par celui qui n’était encore que gouverneur de l’Arkansas. Sur ce terrain, c’est vrai, Trump réussit des big deals, au point de faire passer le taux de chômage (3,9 %) sous le taux de croissance (4,1 %), grâce à son protectionnisme à la petite semaine. À court terme, ça marche. Mais sur la durée, l’Amérique peut-elle vraiment se mettre à dos le reste du monde en révoquant le principe même du libre-échange ? Rendez-vous dans deux ans. 

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