« La paix ne se décrète pas, c’est un processus lent »
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Après les dix millions de morts militaires de la Grande Guerre et la signature de l’armistice avec l’Allemagne le 11 novembre 1918, la paix semble se dérober. Pourquoi ?
Durant les années 1918-1923, les populations vivent même une apothéose de la guerre. Les empires austro-hongrois et ottoman se disloquent et des conflits éclatent en Europe de l’Est, dans les Balkans, en Russie et au Proche-Orient. Ces violences trouvent même un écho en Irlande où se déclare une guerre pour l’indépendance. Dans le même temps, les Britanniques et les Français se partagent le Proche-Orient.
Mais il y a un tournant à partir de 1923. Ces innombrables conflits s’apaisent. Les nouveaux États-nations en Europe centrale et en Europe de l’Est trouvent leur équilibre. C’est une période de réconciliation, de reprise économique – notamment en Allemagne. C’est aussi la grande période de la Société des nations (SDN) ; on commence à rêver d’une paix durable. L’Allemand Gustav Stresemann et le Français Aristide Briand, tous deux ministres des Affaires étrangères, reçoivent le prix Nobel de la paix en 1926 pour leur action en faveur de la réconciliation franco-allemande. Jusqu’à la crise économique de 1929, tout est possible, rien n’est écrit. C’est très important. On ne peut pas imputer de manière mécanique au traité de Versailles la responsabilité des années 1939-1945.
Pour quelles raisons le traité de Versailles n’est-il pas parvenu à imposer immédiatement la paix ?
Il y a une raison principale. En 1870, les Allemands avaient défilé sur les Champs-Élysées pour célébrer leur victoire. En 1918, les Alliés n’ont pas défilé sur l’avenue Unter den Linden à Berlin. Les Alliés n’ont pas voulu pousser leur avantage pour épargner la vie de jeunes soldats. Cela fait une grande différence ! Après une guerre très dure, l’Allemagne reste donc potentiellement la puissance la plus forte en Europe, même au moment où elle est déclarée vaincue. Les troupes françaises sont stupéfaites en arrivant sur le Rhin de voir l’Allemagne intacte, debout. Les Allemands pensaient pouvoir siéger à la table des négociations, comme la France, représentée par Talleyrand, l’avait fait au congrès de Vienne en 1814-1815. Mais les dirigeants américain, britannique, italien et français réunis à Paris, confrontés à une situation internationale insaisissable et dangereuse, renoncent à convier l’Allemagne aux négociations. Je dirais que, sur le fond, la question allemande n’a pas été résolue en 1919. Or, c’était central.
Les différents traités signés entre 1919 et 1923 comportaient-ils d’autres défauts ?
Le redécoupage de plusieurs pays a été très durement ressenti. Prenez l’exemple de la Hongrie. Ce pays perd de vastes territoires, notamment la Transylvanie, qui passe à la Roumanie, et une bonne partie de la Slovaquie. Du coup, la Hongrie se considère spoliée, humiliée. C’est une blessure terrible qui saigne aujourd’hui encore.
Quels sont les deux ou trois dirigeants qui ont joué un rôle majeur dans ces années-là ?
Clemenceau d’abord. Il pensait qu’il existait des intérêts nationaux plus puissants que l’idéalisme porté par Wilson. Mais il a su trouver le point d’équilibre entre la vision américaine et sa volonté d’instaurer un nouveau rapport avec l’Allemagne. C’est pour cela qu’il refuse ce que lui demande Foch : séparer la Rhénanie de l’Allemagne.
Wilson ensuite. On oublie que, pour la première fois, les É
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John Horne
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