1967

Transgenre 
adj. et n.

Comment ? Genre dans les mots de moins de cinquante ans, alors qu’on lit cet emprunt au latin genus, generis depuis le XIIe siècle ? 

Ce n’est pas de ce genre-là qu’il va être question, ni même du genre des noms, masculin et féminin, qui est en usage déjà au Moyen Âge. C’est d’un mot pris à l’anglais gender, lui-même emprunté au français, au XIVe siècle, sous la forme gendre (qui a eu un autre sort en français). Le mot latin traduisait le grec genos et transmettait l’idée de catégorie réunie par une origine commune. 

Or, l’anglais gender est sorti de la grammaire en 1968, avec l’ouvrage de Robert Stoller intitulé Gender and Sex, sous-titré « À propos du développement de la masculinité et de la féminité ». L’idée était de faire une distinction entre les différences physiologiques, que désigne à l’origine le mot sexe (c’est littéralement une « section » de l’humanité), et la répartition des rôles dans la société. Les féministes des États-Unis s’emparèrent de gender et, dans les années 1980, on traduisit par études de genre, en français, les gender studies anglo-saxonnes. On hésita sur la façon d’en parler, entre l’anglicisme gender et le mot bien français genre, qui a beaucoup plus d’usages et de significations en français qu’en anglais. Cependant lorsqu’on parle d’études de genre, on comprend bien qu’il ne s’agit ni du genre humain, ni du mauvais genre, mais de cette vision nouvelle, sociologique, culturelle des rapports entre femmes et hommes. 

De même, les dérivés et composés de cet emploi du mot ne prêtent pas à confusion. Tel est le cas de transgenre (1967), qui calque transgender et qui est distinct de transsexuel, ou de genré, ée, pris à gendered, qui qualifie ce qui présente les images sociales et culturelles de l’homme et de la femme, sans référence à la nature physiologique sexuée. 

1968

Globalisation
n. f.

On date l’apparition du terme globalisation de 1968. C’est un emprunt à l’anglais globalization, qui, avec le verbe globalize, dérive de l’adjectif anglais global qui signifie « mondial, planétaire », qui a un sens plus général encore en français. Le mot est utilisé généralement dans le contexte économique, et aussi dans les domaines de la politique, de l’environnement ou de la culture. On parle de globalisation industrielle, commerciale ou financière. Dans ces trois secteurs, les enjeux sont mondiaux et liés à des stratégies élaborées par des puissances de marché. Mondialiser et mondialisation feraient l’affaire. 

Un sabir, un jargon en somme, est né de ces échanges commerciaux, qu’on appelle globish, mot-valise formé sur global et english. Cette version simplifiée de l’anglais facilite la communication entre les locuteurs internationaux. Mais l’anglais, utilisé ici comme langue de passage, pâtit de ces simplifications. Déjà dans son roman d’anticipation 1984, George Orwell exprimait l’idée que plus le vocabulaire d’une langue s’appauvrit, plus la pensée perd en intelligence. 

1969


Juilletiste
n.

1970

Magouille
n. f. 

1971


Micro-ordinateur
n. m.

1972

Méritocratie
n. f. 

1973

Contre-pouvoir
n. m.

1974


Disquette
n. f. 

Depuis les années 2010, les disques qu’on dit vinyles, après avoir parlé de microsillons lorsqu’ils sont apparus, font leur retour en force « dans les bacs » et, quoique plus discrètement, les cassettes audio réapparaissent : à quand le retour des bonnes vieilles disquettes ? 

La disquette, ancêtre du cédérom, de la carte mémoire et de la clé USB, est une invention qui date de la fin des années 1960. Il s’agit d’un moyen de stockage de données pour les PC (abréviation anglaise de personal computer, traduit en français par micro-ordinateur), devenu rapidement populaire du fait de son prix peu élevé, de ses dimensions réduites et de sa légèreté.

L’objet étant devenu obsolète, les jeunes générations ne connaissent plus le mot, en fin de compte, que dans l’expression mettre une disquette (à quelqu’un), inventée vers 2010 dans le langage imagé des adolescents, et qui signifie « faire un sale coup à quelqu’un, abuser de sa confiance ». 

1975


Boat people
n. m. inv.

Empruntée à l’anglais, l’expression boat people, « gens des bateaux », commence à être utilisée en 1975 pour désigner ceux qui fuyaient le Viêtnam, le Cambodge et le Laos, après l’instauration de régimes communistes répressifs. À partir de 1979, elle est plus répandue par les médias qui se font l’écho de leur calvaire. Ces départs par voie de mer font de très nombreuses victimes par noyade, famine, froid, maladie ou attaque de pirates. On montrait les boat people en perdition dans la mer de Chine, rejetés à l’eau par les pays voisins ou enfermés dans des camps de rétention, en Malaisie, à Hong Kong, en Indonésie et en Thaïlande. 

Par extension, l’expression a qualifié tout réfugié fuyant son pays dans des conditions identiques, comme les Cubains et les Haïtiens cherchant à rallier les États-Unis. Venant d’Afrique, du Moyen-Orient et de l’Asie du Sud, les boat people du XXIe siècle visent l’eldorado européen, mais on ne les appelle ainsi que par référence au passé. Pourtant, depuis les exodes dus aux violences ou à la misère, les révoltes du printemps arabe, l’institution de pouvoirs islamistes, un flux de migrants sans précédent risque sa vie en traversant la Méditerranée dans des conditions dramatiques, mais leurs embarcations sont si précaires qu’elles ne méritent plus le nom de « bateau ». 

1976


Disco
n. m. et adj.

1977

Homophobie
n. f. 

Mot-valise à l’anglo-saxonne, fabriqué à partir de l’abréviation d’homosexual, il devrait dire, s’il était formé normalement en français « qui a peur du même ». C’est moins de peur que de haine qu’il s’agit : est qualifiée d’homophobe une personne qui éprouve et manifeste de l’aversion vis-à-vis des homosexuels, ou qui leur refuse l’accès aux mêmes droits que les hétérosexuels. Le succès du mot tient sans doute à ce qu’il permet de rejeter l’accusation d’anormalité : en 1968 et jusqu’en 1982, la France a reconnu la classification de l’homosexualité parmi les maladies mentales par l’OMS. Celle-ci n’a supprimé l’homosexualité de cette liste que le 17 mai 1990… 

Homophobie est attesté en français en 1977 et homophobe en 1979. Non, bien sûr, que les violences contre les homos, les gays, les lesbiennes et les transsexuels n’eussent existé bien avant, mais l’histoire des mots suit celle des luttes : c’est dans les années 1970 qu’ont commencé les actions collectives contre les discriminations. 

1978


Écohabitat
n. m.

1979


Piratage
n. m.

1980

Pixel
n. m.

Dans les années 1880, le peintre Georges Seurat expérimente un procédé pictural qui consiste à appliquer sur la toile des petites touches de couleurs dont la combinaison forme des figures. On en discerne les contours lorsque l’on regarde le tableau à une certaine distance. Issue du courant impressionniste, cette technique dite pointilliste a été reprise par plusieurs autres peintres dont les plus connus sont Paul Signac ou Camille Pissarro. Ce procédé propre au post-impressionnisme reprend vie aujourd’hui grâce aux innovations numériques, sous la forme du pixel.

Le mot est emprunté en 1980 à ce terme anglo-américain d’informatique qui désigne la plus petite surface homogène constitutive d’une image enregistrée, définie par les dimensions de la « maille d’échantillonnage ». Pix est la variante graphique de pics, abréviation familière de pictures, « images », spécialisé pour « images de cinéma ». La finale -el correspond à element, emprunté à l’ancien français qui le tirait du latin. Le mot signifie « élément d’images ». Le verbe pixéliser (ou pixelliser), apparu en 1990, s’emploie pour « faire apparaître les pixels d’une image numérique », ce qui la rend peu lisible et peut équivaloir à un floutage volontaire ou accidentel. 

1981


Covoiturage
n. m.

L’autostoppeur, avec sa pancarte indiquant sa destination, se fait rare aux zones de péage autoroutier… Aurait-il préféré organiser un covoiturage plutôt que de tailler la route avec Thelma et Louise ? L’exercice du « pouce levé » à l’américaine – en « français » auto-stop –, présente moins d’intérêt lorsqu’on peut partager un véhicule avec d’autres passagers pour effectuer un trajet commun, moyennant une participation financière modeste. 

Formé à partir du préfixe co-, du verbe voiturer (« transporter en voiture ») et du suffixe -age, le nom covoiturage ne s’observe qu’en 1981 même si le concept a vu le jour dans les années 1950, sous l’impulsion d’associations œuvrant pour l’organisation de l’autostop. En France, c’est la paralysie des transports publics durant les grèves de 1995 qui pousse les usagers à covoiturer. Mais cette pratique jugée trop contraignante ne perdure pas malgré un enthousiasme certain pour cette forme de convivialité. 

Pourtant le covoiturage est dans l’air (pollué) du temps ! Un nombre limité de véhicules circulant sur les voies publiques contribuerait à alléger le trafic dans les grandes agglomérations et, par conséquent, à réduire l’émission des gaz à effet de serre. Sensibilité écologique et pouvoir d’achat en berne suscitent un certain engouement pour ce mode de transport à l’aube des années 2010. 

1982

Bioéthique
n. f.

1983


Baladeur
n. m.

1984

Road-movie
n.m

1985

Carpaccio
n. m.

1986


Zapper
v. intr.

Le verbe américain to zap vient d’une onomatopée connue des amateurs de comics, zap, évoquant le bruit d’une disparition soudaine ou d’un glissement furtif, comme celui d’une balle d’arme à feu. Le verbe a d’abord signifié « tuer, flinguer » (1942), puis « éliminer quelqu’un en compétition » (1961), ou encore « frapper » (1967), avant de prendre un sens intransitif, « bouger vite ou avec force ». Il a enfin gagné le lexique télévisuel dans les années 1980 : qui se livre au zapping (1983) cherche à échapper à la publicité qui inonde les programmes aux États-Unis, avant de s’exporter. 

La langue française, ignorant le québécois pitonner « appuyer sur les boutons », voisin de pianoter, a repris zapper et ses dérivés après que de nouvelles chaînes sont venues, en France comme ailleurs, compléter l’offre du trio TF1, Antenne 2 et FR3, à partir de 1984. Elle en a élargi l’acception : zapper, c’est changer de chaîne, faire disparaître une source d’images au profit d’une autre.

Les zappeurs et zappeuses ne sont plus seulement les rois et reines du pianotage. On peut, en pleine conversation, zapper d’un sujet à l’autre ou zapper un événement : de la disparition à l’oubli, c’est désormais l’esprit qui zappe, et le jeune étourdi s’excusera d’avoir zappé l’anniversaire de papa ou le repas de famille de dimanche. 

1987

Négationnisme
n. m.

1988

Pin’s
n. m.

1989

GPS
n. m.

Il faut le reconnaître, le GPS, système de localisation qui permet de connaître la position d’un mobile grâce à un récepteur de signaux émis par un réseau de satellites, est un outil des plus utiles. Les personnes les plus rétives aux nouvelles techniques l’ont adopté assez facilement. 

GPS est un sigle anglais correspondant à Global Positioning System, « système universel de localisation ». Par un heureux hasard, le sigle peut être interprété en français comme un « guidage par satellite », on l’entend parfois, qui facilite sa compréhension dans notre langue, depuis qu’il y est entré en 1989. 

Le GPS est issu d’un projet de recherche de l’armée des États-Unis développé dans les années 1960 à la demande du président Richard Nixon, dans le contexte de la guerre froide et de la guerre du Viêtnam. Les vingt-quatre premiers satellites furent déployés entre 1978 et 1995 ; ils sont aujourd’hui accompagnés de plusieurs autres. Avant même qu’ils soient opérationnels, en 1983, le président Ronald Reagan avait évoqué l’idée d’en étendre l’application aux civils. Les Européens ont tardé à lancer leur propre système de navigation par satellite : ce n’est qu’en 2005 qu’est lancé le projet Galileo, opérationnel depuis décembre 2016.

1990

Altermondialisme
n. m.

1991

Manga
n. m.

Employé en français depuis 1991, ce mot transcrit un pluriel japonais, composé de deux éléments, ga « image, dessin », et ma, plus ambigu, qui renvoie à l’indécis, l’inachevé, l’incertain, l’involontaire… Appliqué au dessin, ce mot correspond à esquisse, parfois avec l’idée de fantaisie caricaturale, parfois de maladresse risible. Le manga japonais, dont il est question depuis le XVIIIe siècle, est illustré en 1814 par le recueil d’estampes géniales d’Hokusai, publié jusqu’en 1834, ainsi nommé par lui en raison de leur style, alors que c’est l’idée d’« histoire en images » qui va envahir le terme, en japonais. 

En 1895, Edmond de Goncourt, grand amateur de cet art, consacre un essai à Hokusai. L’emploi qu’il fait de La Mangwa (féminin singulier) est en réalité un nom propre, celui du recueil du grand artiste « fou de dessin ». Cette apparition isolée du mot dans la langue française est sans rapport avec sa reprise dans les années 1990, alors tributaire de l’usage de manga en anglais, ce qui l’a fait passer au masculin. 

1992

Exoplanète
n. f.

1993

Smartphone
n. m.

1994

Coming-out
n. m. inv.

1995

Arobase
n. f.

Il est attesté en 1995 dans Le Petit Robert de la langue française mais le signe qu’il désigne n’est pas né avec l’informatique et les courriels. La découverte de manuscrits anciens rédigés par des moines témoigne de ses premiers usages. Certaines sources interprètent la boucle qui entoure le a comme le tracé d’un d et le signe lui-même comme une abréviation de la préposition latine ad. Une autre explication voit dans arobase la contraction de l’expression typographique « a rond bas », faisant référence aux « bas-de-casse », l’ensemble des caractères minuscules rangés en bas de la casse, boîte divisée en casiers où étaient rangés les caractères en plombs. On a envisagé aussi que ce signe puisse représenter la ligature des lettres grecques alpha et rhô. L’association des lettres a, rhô (le r grec) et de base (le tiret-bas en français) formerait graphiquement le symbole @. En 1971, l’arobase aurait été redécouvert par Ray Tomlinson, un ingénieur américain. Travaillant sur l’ARPAnet, l’ancêtre d’Internet, il utilise ce signe comme séparateur entre le nom d’utilisateur et le nom du serveur. 

1996


Cuit-vapeur
n. m. inv.

1997


Téléconseiller
n. m.

1998


Botox
n. m.

« Un jour, beau jeune homme, votre chevelure blanchira, et les rides viendront défigurer vos traits », Ovide dans L’Art d’aimer. L’angoisse du temps qui passe et du vieillissement des corps, prélude à la mort inéluctable, taraude les humains depuis toujours. D’où la tentation de « réparer du temps l’irréparable outrage » (Racine). 

Dans les années 1990, c’est le Botox® qui a fait son apparition. Utilisé en injections locales, ce produit a reçu un accueil triomphal au royaume du culte de la jeunesse. Il est devenu l’un des traitements cosmétiques les plus médiatisés des dernières décennies, malgré son coût et le caractère éphémère de ses résultats. L’adjectif dérivé botoxé est teinté d’une bonne dose de sarcasme : dire de lèvres, de visages ou de corps, qu’ils sont botoxés n’a rien d’un compliment. 

Avant de devenir une star de l’attirail antiride des people, par une prestidigitation publicitaire, la toxine botulique traînait une funeste réputation. Ce violent poison était connu pour être à l’origine d’une intoxication parfois mortelle, le botulisme, causée par la consommation de charcuteries ou de conserves avariées. Car botulisme et botulique sont dérivés du latin botulus « boudin », le germe de cette intoxication se développant dans les intestins.

1999

Parité
n. f

Les combats féministes semblent trouver en France une issue positive en 1999, lors de la promulgation de la première loi qui « favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives » et prévoit que les partis doivent « contribuer à la mise en œuvre » de ce principe. La décision est inscrite dans la Constitution. À mesure nouvelle, terminologie nouvelle. Le législateur choisit de puiser dans l’arsenal des dérivés de l’adjectif pair, lequel terme traduit à la fois la ressemblance et le caractère de ce qui va par deux, pour imposer parité dans l’acception : « équivalence numérique entre hommes et femmes », alors que le mot ne désignait qu’une égalité entre des êtres ou des objets de même nature, et notamment des monnaies. 

2000

Bobo
n. et adj.

Si, avant 2000, on avait posé la question : « qu’est-ce que c’est, un bobo ? », on aurait eu des réponses énervées, tellement le mot était évident : « c’est ce qui fait mal ». L’expression était ancienne et, bien qu’on parle d’onomatopée, bien obscure. Cependant, en juin 2000, on vit apparaître en français un homonyme, pris au journaliste new-yorkais David Brooks, qui l’appliquait à ses compatriotes à la fois aisés et libres dans leur comportement, ceux qui habitaient le quartier de Greenwich Village, the Village, étant typiques. 

C’était un de ces composés faits de morceaux de mots, et qu’on appelle des mots-valises. Celui-ci était bizarre, en ce qu’il coupait, non par syllabes prononcées, mais par lettres écrites. Le premier mot, pour bourgeois, au lieu de bou- ou bour- ; le second, plus normal, pour bohème. Deux mots anglais, certes, le premier depuis le XVIIIe siècle, mais pris au français, le premier avec une longue histoire, le second avec une comparaison entre le nomadisme des Roms, qu’on croyait venus de Bohême, et la « vie d’artiste », au XIXe siècle. 

2001

Téléréalité
n. f.

2002

Blu-Ray
n. m. inv.

2003


Boloss
n. et adj.

2004

Spam
n. m.

À l’origine, Spam est une marque créée en 1937 par Hormel Foods Corporation, entreprise agro-alimentaire sise dans le Minnesota. Contraction de spiced ham (« jambon épicé »), le (ou la ?) spam est en fait une viande de porc précuite, vendue en boîte de conserve, qui peut être consommée froide ou réchauffée. Ce qui n’en fait pas un sommet gastronomique.

Quel rapport cette viande peut-elle donc entretenir avec les spams, ainsi désignés en français, ces messages qui inondent les messageries électroniques et les forums de discussion ? L’humour britannique peut l’expliquer. En effet, après la Seconde Guerre mondiale, une publicité radiophonique vantait les mérites du produit, le nom spam y était de nombreuses fois répété. Le groupe d’humoristes des Monty Python parodia cette publicité lors d’un sketch télévisé, le 15 décembre 1970 ; c’était le 25e épisode de la série Monty Python’s Flying Circus. Dans ce sketch qui prend place dans un restaurant de piètre qualité, on ne sert que des plats à base de Spam® dont le personnel ne cesse de ressasser le nom, et, lorsque des Vikings entrent dans le lieu, ils chantent un air à la gloire du Spam®… 

Or, parmi les utilisateurs des premiers forums de discussion, en 1978, se trouvaient des admirateurs des Monty Python qui, par plaisanterie, ont diffusé un message ne contenant que spam, reproduit des centaines de fois. Le fait de poster des messages sans rapport avec la discussion en cours sur le forum a ainsi été désigné, en anglais britannique, par le mot spamming. Spam est alors devenu le nom de toute communication électronique non sollicitée. Le message publicitaire envoyé le 3 mai 1978 par Gary Thuerk est considéré comme le premier spam de l’histoire. 

Les Québécois, vigilants par rapport à l’envahissement du français par l’anglais, préfèrent à spam un vocable plus évocateur de l’agacement que le phénomène suscite : c’est pourriel (mot-valise associant poubelle et courriel, lui-même forgé pour faire pièce à l’e-mail anglo-américain.) 

2005

Sudoku
n. m.

Parmi les favoris des lecteurs de journaux, horoscope, mots croisés, jeux, on rencontre le Sudoku®. Ce jeu de réflexion consiste à compléter selon une loi logique une grille formée de neuf carrés de neuf cases, avec les chiffres de 1 à 9. Si les règles sont simples, les solutions peuvent être d’une grande complexité, comme l’origine du jeu lui-même. Elle est très ancienne et remonte au carré magique, créé il y a plus de 2 000 ans en Chine. La maison d’édition japonaise Nikoli s’empare du concept en 1984 et lui donne le nom de Sudoku®, abréviation de la phrase sûji wa dokushin ni kagiru (« les chiffres doivent être solidaires »). En France, le jeu se répand à partir de juillet 2005 dans les journaux et la presse spécialisée. Le jeu fait fureur aussi sur Internet et auprès des personnes âgées qui le pratiquent pour améliorer leur mémoire et ralentir les effets du vieillissement sur le cerveau. Enfin un jeu qui transcende le fossé des générations ! 

2006


Vapoter
v. intr.

Ce néologisme a été créé en 2006, résultant d’un concours ; il s’est répandu avec la diffusion de la cigarette dite électronique pour équivaloir au verbe fumer. Il est tiré du radical latin de vapeur, vapor, présent dans de nombreux mots français, comme vaporiser ou vaporeux. Il utilise le suffixe -oter – alors que le verbe parallèle à fumer aurait pu être vaper dont l’emploi, plus rare, est influencé par l’anglais vape, tiré de vapour « vapeur ». 

De même que ses dérivés réguliers vapoteur, qui correspond à fumeur, et vapotage, qui n’a pas d’équivalent pour l’action de fumer, ce mot est tributaire du succès de ce qui fut appelé cigarette électronique (2010), francisation de l’anglicisme e-cigarette, forme abrégée de electronic cigarette®. 

2007

Storytelling
n. m.

Quand Christian Salmon publie, en français, Storytelling. La machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits (2007), il popularise un concept qui fait fureur aux États-Unis depuis une vingtaine d’années. 

Parfois traduit par « communication narrative », le mot désigne une stratégie de communication par le récit en politique. Les techniques d’influence par le récit sont connues et éprouvées depuis l’Antiquité. Mais, à partir des années 1990, on assiste à la généralisation de cette pratique chez les personnalités politiques. Celles-ci, aux États-Unis, recourent aux spin-doctors, des conseillers en communication, et à l’extension de cette forme de discours à tous les secteurs de la société, de la communication d’entreprise au journalisme ou à la pédagogie. 

Curieusement, par rapport au mot essentiel et polysémique qu’est histoire, l’anglicisme story semble avoir sélectionné des valeurs d’efficacité sociale et financière, celles que l’on ressent, en français, à l’expression success story

2008


Autoentrepreneur
n. m. 

2009

Hashtag
n. m.

2010

Cougar
n. f.

2011

Locavore 
adj. et n.

2012


Selfie
n. m.

Le mot est forgé sur l’anglais self, qui signifie « soi-même ». Un self-made-man (en français vers 1880) est un homme qui, littéralement, « s’est fait tout seul » ; on fait preuve de self-control (1880) lorsqu’on est capable d’une certaine maîtrise de soi. Le suffixe -ie est caractéristique de l’argot australien (on parle d’un barbie pour un barbecue) ; le mot selfie aurait été inventé au début des années 2000. Il n’était alors connu que des anglophones. Mais en 2012, le célèbre Oxford English Dictionary en fait (en anglais) le mot de l’année. Les agences de presse du monde entier reprennent le mot, faisant fi de la spécificité des langues, et voilà, en quelques heures, selfie devenu mot allemand, français, espagnol, russe… Personne n’a remarqué que ce mot de l’ego ne faisait allusion ni à la photo, ni au portable. Peu importait ; l’anglophonie dicta le mot, les fabricants de portables et le panurgisme imitatif répandirent la chose. 

2013


Burn-out
n. m. inv.

2014

Ubérisation
n. f.

Ubérisation désigne ce mode d’activité économique basé sur les rapports directs de l’entreprise avec ses employés et ses clients. L’ubérisation met en œuvre un modèle ultralibéral d’emploi d’un personnel à la tâche, modèle dérégulé, instaurant la mondialisation de services hors du droit du travail propre à chaque État. 

La création du néologisme est attribuée à l’homme d’affaires Maurice Lévy en décembre 2014, dans un article du Financial Times. Uber®, du nom de la start-up appelée Ubercab, est un mot anglais emprunté à l’allemand über qui signifie « super, extra ». Il rappelle le über alles (« par-dessus tout ») de l’hymne patriotique allemand « Deutschland, Deutschland über alles, über alles in der Welt ». Cab, mot anglais pour désigner les taxis, vient du mot français cabriolet, voiture hippomobile, ancêtre du taxi moderne. 

2015

E-sport
n. m.

2016

Burkini
n. m.

2017


Fake news
n. f. pl.

 

 

Le texte des notices est extrait de 200 drôles de mots qui ont changé nos vies depuis 50 ans

© Le Robert, 2017

 

Illustrations Éric Heliot

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