En quoi existe-t-il un bonheur français spécifique ?

Le bonheur français est très largement un bonheur occidental. Dans sa conception, il est proche de celui de l’Allemagne, de l’Italie, de la Belgique, de la Grande-Bretagne ou des États-Unis. C’est d’abord un bonheur qui se pense d’un point de vue individuel, constitué d’être, d’avoir et de faire, avec une dimension consumériste importante.

Si on observe les sondages sur le bien-être, en tenant compte des biais, les gens évoquent la famille, le travail, les amis, comme ailleurs en Occident, mais, plus que les autres, le fait de vivre dans un pays libre. Cette dimension politique est plus affirmée chez nous. Le bien-être subjectif est devenu depuis 1945 un objet d’étude. On a vu émerger une « science du bonheur » – une expression à nuancer, car il s’agit d’une science autoproclamée, d’un label – dont se sont revendiqués certains psychosociologues, sociologues ou économistes. Ils travaillent sur ce qu’ils appellent, pour l’objectiver, un bien-être subjectif. Essentiellement des sondages. Par exemple, ceux qui demandent aux individus de se situer sur une échelle entre zéro à dix en leur demandant : êtes-vous heureux ? En France, les variations en fonction des événements politiques sont très marquées. L’Observatoire du bien-être souligne aussi que ce bonheur subjectif des Français est plus dépendant du niveau de richesse.

Quand le bonheur est-il apparu dans le champ public ?

Les Lumières parlent du bonheur. Une thèse de Robert Mauzi l’analyse dans les années 1960, à travers les écrits de Rousseau et d’autres intellectuels aujourd’hui oubliés, qu’il appelle « les Rousseau du ruisseau ». On assiste à une profusion du bonheur dans cette période, marquée aussi par la déclaration de Saint-Just, en 1794, selon laquelle « le bonheur est une idée neuve en Europe ».

 « "Le bonheur est comme la vérole", écrit Flaubert »

Au XIXe siècle, la porte du bonheur se referme. Le bonheur devient même négatif et suspect, égoïste. Nul ne peut dire à titre personnel qu’il cherche à être heureux. On retrouve chez les moralistes et les écrivains de cette époque des propos acerbes. Le bonheur nous rendrait faibles. « Le bonheur est comme la vérole », écrit Flaubert. « La bêtise, c’est l’aptitude au bonheur », dira plus tard Anatole France. On retrouve cette critique ailleurs en Europe. Freud estime ainsi que le bonheur n’e

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