Quand les gangs de corbeaux froissent leurs ailes
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Dans le feuillage poussiéreux des acacias, les voici. Des ombres frémissent par à-coups. On croirait un petit peuple de snipers qui s’ébroue. On lève les yeux vers le toit des immeubles pour comprendre. Un torrent de feu tombe du soleil. On découvre alors qu’ils sont partout, alignés sur les margelles des palais ottomans gangrenés, trônant sur l’entremêlement des fils électriques, posés sur les auvents au-dessus des arcades : des centaines de corbeaux peuplent Djibouti.
Ceux qui vivent dans la rue s’en moquent. Ces hommes maigres aux yeux jaunes, la bouche pleine d’un mâchouillis de khat, ne les regardent même plus. Les parachutistes blancs fraîchement douchés, en short et sandales de maître nageur, s’en agacent en silence. Les somptueuses Djiboutiennes s’enroulent dans leurs couleurs avec indifférence.
Eux, ils braillent. Se dispersant, se rassemblant, se reposant dans un grand froissement d’ailes noires, ils brassent l’air humide. Aux fenêtres du sultanat, on croirait qu’ils moquent les humains, assis en groupes comme des gangs sur le bâtiment de la poste, autour de la place Ménélik, dans les terrains vagues où les Somalis vendent des bananes odorantes.
La torpeur, les klaxons, les camions, rien ne les effraie. Sinon parfois, peut-être, l’ordre d’envol soudain de leur chef, clandestin parmi les siens, le roi des corbeaux de Djibouti qui nous toisent, nous inquiètent et nous raillent, sans rien dire, avec leur silhouette nocturne et leur bec fermé.
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