Avec ses volte-face permanentes, ses clowneries et ses tours de passe-passe, l’administration Trump est un cirque qui joue depuis quatre mois à guichets fermés. Mais le spectacle donné par le président américain et ses collègues est surtout une grande machine à illusion, celle d’une Amérique encore capable de faire plier le reste du monde à ses injonctions. De ce point de vue, l’épisode des droits de douane a mis à nu les limites de cette domination. Alors que la plupart des autres nations se montraient dociles sous les coups de fouet de Trump, prêtes à négocier pour éviter une guerre commerciale, la Chine a réagi avec fermeté face aux taux qui lui étaient imposés – jusqu’à 145 % de surtaxes sur les produits importés aux États-Unis. Résultat : après quelques jours à jongler avec les annonces, Donald Trump a été contraint de rétropédaler, promettant des mesures plus modérées pour calmer les marchés.

L’inflexibilité de la Chine dans ce bras de fer en dit long sur la confiance nouvelle de Pékin dans sa puissance économique. Elle traduit, surtout, l’emprise toujours grandissante de Xi Jinping sur les affaires du monde. Isolé pendant la parenthèse du Covid, contesté en interne, l’empereur rouge semble aujourd’hui plus que jamais déterminé à accomplir le « rêve chinois » qu’il brandit depuis sa prise de pouvoir, il y a treize ans. Face au désengagement américain, il occupe méthodiquement les espaces laissés vacants. Sur le climat, il a ainsi réaffirmé mercredi 23 avril que « quelle que soit l’évolution de la situation internationale, les efforts de la Chine pour lutter contre le changement climatique ne ralentiront pas ». En matière commerciale, il se pose comme garant de la stabilité des échanges et de la prospérité occidentale. Quant aux pays du Sud global, abandonnés par l’aide internationale américaine, ils pourraient se raccrocher aux cordes lancées par une Chine de plus en plus soucieuse d’entretenir son soft power. 

Alors, Xi Jinping, nouveau maître du monde ? Dans ce numéro du 1 hebdo, nous revenons sur le parcours du funambule de Pékin, ancien proscrit devenu président à vie. Un portrait nuancé pour mieux comprendre les forces et les faiblesses de l’héritier de Mao - mais aussi la stratégie patiente, méthodique, presque millénaire, qu’il déploie pour hisser la Chine au sommet. « Celui qui déplace une montagne commence par des petites pierres », disait Confucius.  Le chaos de cette ère nouvelle ouverte par Donald Trump pourrait l’aider à prendre plus vite encore de la hauteur.