Se rendent-ils compte, tous ces gens bien au chaud chez eux, du drame que vit un réfugié ? Peuvent-ils seulement imaginer sa douleur, son désarroi ?
Je ne pensais pas qu’un jour les circonstances m’obligeraient à fuir à l’étranger. Quitter Neuilly a été un déchirement. Mais je n’allais tout de même pas me laisser plumer par le gouvernement ! La taxe à 75 %, inventée par ce communiste de Hollande, est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
Il m’a fallu beaucoup de courage pour franchir la frontière. Car une chose est de connaître la Suisse, une autre de s’y établir. Campant à l’hôtel Beau-Rivage de Lausanne, j’ai dû courir les agences immobilières pour acheter une maison convenable, puis commander des meubles, engager des domestiques et un chauffeur, m’inscrire à un club de golf… Toute une vie à refaire.
Ne me parlez pas de paradis ! Résider en Suisse n’est pas une partie de plaisir. On y mange moins bien que chez nous, et les distractions manquent. Genève est terriblement provinciale, Lausanne me lasse vite, et à Gstaad, sorti du ski, je m’ennuie à mourir.
Heureusement, j’ai retrouvé ici quelques connaissances. Entre réfugiés, nous essayons de nous serrer les coudes, face à l’hostilité d’une partie de la population. « Halte aux privilèges fiscaux des millionnaires étrangers ! », entend-on en permanence. Cette xénophobie donne froid dans le dos.
Je constate douloureusement que les Suisses n’ont aucune compassion pour les demandeurs d’asile. J’ai eu tort, et le reconnais aujourd’hui : j’aurais mieux fait de me réfugier aux Îles Caïmans.