Le ciel est haut, la lune est rouge et pleine ;
Le tisserand chante à manquer d’haleine ;
La terre tourne et travaille tout bas ;
Et mon fuseau pourtant ne tourne pas !
Mon lin se casse,
Ma main est lasse ;
Sans toi, soleil,
J’ai tant sommeil !
De mon rouet le bruit me berce l’âme ;
J’ai les yeux gros de regarder la flamme.
Aube, chère aube, à quand votre retour ?
Je filerai quand filera le jour.
Mon lin se casse,
Ma main est lasse ;
Sans toi, soleil,
J’ai tant sommeil !
Mes yeux fermés suivent un si beau songe !
S’il n’est pas vrai, mon Dieu ! qu’il se prolonge.
Ô mes fuseaux, tournez si doucement
Que sur ma lampe il s’appuie un moment !
Mon lin se casse,
Ma main est lasse ;
Sans toi, soleil,
J’ai tant sommeil !
La fileuse nocturne est une légende de revenantes. Comme si la condition féminine était de travailler, même après la mort. Il y a quelque chose d’un Moyen Âge de sortilèges dans ce poème extrait d’un conte. Mais on y reconnaît aussi l’empathie que Marceline Desbordes-Valmore avait pour les canuts et les souffrances des ouvrières.