Seraient-ce ses erreurs et sa folie qui rendent l’être humain supportable ? « Dieu quand il bâtissait le monde / calculait calculait calculait / c’est pourquoi le monde est parfait / et l’on ne peut y habiter », écrivit le grand poète polonais Zbiegniew Herbert. En 1997, le supercalculateur Deep Blue bat Garry Kasparov, champion du monde d’échecs…
la tension de l’attente
fut grande
le tournoi entre l’homme
signe particulier : couteau entre les dents
et le monstre machine
signe particulier : calme olympien
se termina par la victoire
du dragon
vains sont
les poèmes nés
dans les jardins d’Andalousie
le nouveau riche
Deep Blue
prend ses aises sur les cases
cousues dans un manteau d’arlequin
le sarcastique ignorant
farci
de toutes les ouvertures
attaques défenses
et aussi d’un joyeux
hallali sur la dépouille
de l’adversaire
ainsi donc
le jeu royal
passe au pouvoir
des automates
il faut le faire évader de nuit
du camp de prisonniers
lorsque l’esprit s’endort
les machines s’éveillent
il faut repartir
en promenade vers l’imagination
Zbigniew Herbert, Épilogue de la tempête, traduit du polonais par Brigitte Gautier
© Le Bruit du temps, 2014