La pratique des jeux d’argent et de hasard est très répandue, près d’un Français sur deux déclarant jouer au moins une fois dans l’année. Quant au phénomène de l’addiction, il concerne 1,4 million de personnes, une grande majorité pour des problèmes ponctuels, mais 370 000 joueurs excessifs sont susceptibles de devenir des joueurs pathologiques, atteints d’une suractivité du système de récompense du cerveau qui conduit à une recherche excessive de plaisir. Depuis l’ouverture des jeux en ligne, le phénomène est en augmentation : le nombre de joueurs problématiques a doublé en dix ans. La pratique des jeux de hasard concerne aussi les mineurs, pourtant frappés par une interdiction d’achat : un tiers des 15-17 ans déclaraient avoir joué en 2021. La prohibition n’a jamais rien réglé, ce qui compte, c’est de réguler l’activité et d’accompagner les personnes vulnérables.

C’est pourquoi, en 2022, nous avons créé l’Arpej, élargissant le champ d’intervention de SOS Joueurs qui, depuis 1993, avait mis en place une ligne d’écoute téléphonique à destination des joueurs et de leur entourage. Traiter les pathologies du jeu suppose d’adopter une approche intersectionnelle, unissant médecins, addictologues, psychologues, médiateurs associatifs et opérateurs de jeux. Et de connaître le plus finement possible la complexité du sujet et de ses évolutions. Aussi avons-nous mis en place, avec l’aide importante de FDJ, ainsi que le soutien de l’Autorité nationale des jeux (ANJ) et d’autres acteurs privés et publics, l’association Arpej, constituée notamment d’un pôle de recherche pluridisciplinaire afin de mener des études épidémiologiques et sociologiques, ainsi que d’un fonds de dotation.

En 2021, l’étude nationale d’impact du gain marquant (Enigm, 2021) donnait des clés pour comprendre les joueurs impactés par un gain dit « marquant » – pas forcément mirifique, puisque la médiane des gains observés était de 356 euros. On pouvait en dégager des indicateurs favorisant le risque de devenir joueurs excessifs afin de mieux repérer les joueurs pouvant devenir problématiques, y compris à travers des algorithmes pour les jeux en ligne – le cadre de référence de l’ANJ, adopté en 2021, a intimé l’obligation aux opérateurs de repérer et d’accompagner les joueurs excessifs.

Notre travail consiste aussi à mener des actions de prévention dans les établissements scolaires, les écoles de la deuxième chance, les clubs sportifs, les missions locales, les centres spécialisés avec un outil adapté, Opéra (Outil de prévention éducationnelle sur les risques des jeux d’argent), issu du programme canadien Bien joué.

La prévention, cela signifie aider les joueurs à renforcer leur esprit critique, leur estime de soi, leur donner les bons éléments d’information et combattre certaines croyances erronées : les joueurs excessifs sont souvent persuadés qu’à force de jouer, ils finissent par accroître leurs chances de gains. Or rien n’est plus faux, puisque l’indépendance des tours veut qu’à chaque nouvelle mise, tout repart de zéro.

L’accompagnement aux soins peut déboucher sur une proposition de thérapie en ligne de trois mois de groupe de parole, une orientation vers un centre spécialisé en addictologie, avec des parcours de remotivation, de reprise de contrôle et un suivi sur le plan financier. Cette thérapie en ligne, que nous avons baptisée Self, a été importée de Suède. Elle est également pratiquée en Finlande et en Angleterre. Ses taux de réussite sont de même niveau que ceux de la thérapie en face-à-face. Actuellement, nous donnons la possibilité chaque année à 1 500 joueurs en difficulté de sortir de ce sentiment d’être emmurés dans leur problème. 

Conversation avec P.Tr.

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