Qu’est-ce que la Russie aujourd’hui ? Pour comprendre ce qu’elle devient, il faut savoir ce qu’elle redevient tout en s’étant transformée.

La Russie tsariste fut un immense empire s’étendant sur deux continents de la Baltique au Pacifique. Alors que la France, l’Angleterre, l’Espagne, le Portugal, les Pays-Bas ont colonisé au loin, sur d’autres continents, la Russie a colonisé dans le prolongement de son territoire à l’ouest (la Pologne en partie, les pays baltes) et à l’est, dans les régions tatares et turcophones, puis dans toute la Sibérie, peuplée de Bouriates, de Iakoutes et d’une trentaine d’ethnies diverses, jusqu’à Vladivostok sur la côte pacifique, tout en russifiant minoritairement cet espace oriental, notamment par l’envoi de déportés – ce que continuera à faire l’URSS. Cette continuité rendit plus aisée et plus durable son emprise territoriale.

 

De l’URSS à la sainte Russie

Après les guerres consécutives à la révolution d’Octobre de 1917 qui tendaient à disloquer l’empire, l’URSS récupéra la plus grosse part de ses territoires et pensa décoloniser en faisant de ses habitants des citoyens soviétiques, tout en reconnaissant leur nationalité – inscrite sur leur passeport, y compris pour les Juifs, considérés comme constituant un groupe ethnique à part entière –, mais en réprimant les velléités nationales des ethnies les plus importantes.

Notons que la Russie pendant la période soviétique fut gouvernée dictatorialement par un Géorgien, Iossif Vissarionovitch Djougachvili, dit Staline, puis un Ukrainien, Nikita Khrouchtchev, et qu’elle eut des ministres géorgiens (Beria, Chevardnadze) ou arméniens (Mikoyan) sans que le peuple russe en ait pris ombrage.

Cela dit, la langue russe et la culture russe demeurèrent la langue et la culture de l’URSS. Staline, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, tint d’ailleurs à porter un toast spécial « au peuple russe ».

L’Allemagne hitlérienne avait voulu faire de cet empire slave son propre empire colonial, mais son échec amena l’expansion de l’Empire soviétique sous la forme de protectorats (Pologne, Allemagne de l’Est, Hongrie, Tchécoslovaquie, Bulgarie, Roumanie). C’est durant l’ère Gorbatchev que les protectorats est-européens s’émancipèrent, ainsi que les pays baltes (1991), et c’est après l’élection d’Eltsine, qui voulut rétablir une nation russe indépendante, que l’Empire soviétique se disloqua en grande partie et que la Géorgie, l’Ukraine, la Biélorussie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, le Tadjikistan, le Turkménistan, l’Ouzbékistan et le Kirghizistan proclamèrent leur indépendance.

Encore plus stupéfiant que le passage de la sainte Russie tsariste orthodoxe et capitaliste à l’URSS fut celui de l’URSS à la sainte Russie orthodoxe et hypercapitaliste. L’empire, en se rétrécissant, est devenu une nation géante et, quoique majoritairement russe, multiethnique.

Toutefois, Eltsine ne put se résigner à laisser la Tchétchénie s’émanciper et la récupéra provisoirement par la guerre (1994-1996). Bien qu’étrangère par sa culture et sa religion, souvent agitée de rébellions au cours du XIXe siècle jusqu’à la capitulation du chef Chamil (lire à ce sujet Hadji Mourat de Tolstoï), la Tchétchénie est un territoire géopolitiquement essentiel au Caucase.

Le successeur d’Eltsine, Poutine, n’hésita pas à entreprendre une guerre sanglante de 1999 à 2009 et à mener une répression farouche (exaspérée par les attentats tchétchènes à Moscou) contre une Tchétchénie à nouveau révoltée, puis réintégrée comme république autonome dans la Fédération de Russie.

Je ne sais à quel moment a pris consistance le grand rêve de Poutine : reconstituer la Grande Russie impériale et soviétique, notamment en y réintégrant les nationalités slaves, soit l’Ukraine, la Biélorussie, et la Géorgie (annexée en 1801) – partie essentielle du Caucase, lequel est pour la Russie d’une importance géostratégique capitale.

Ne pouvant reprendre possession de tout le Caucase, la Russie attaque la Géorgie en 2008 et lui arrache l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie, mais ne peut s’emparer du pays. Elle dispose désormais de bases suffisantes pour contrôler le Caucase, y compris à travers le conflit permanent entre l’Arménie, chrétienne, et l’Azerbaïdjan, musulman.

En ce qui concerne l’Ouest slave, une union Russie-Biélorussie a été constituée en 1997 et, sans qu’il y ait intégration, les gouvernements sont restés constamment prorusses en dépit des grandes manifestations de 2020-2021, brutalement réprimées. L’Ukraine indépendante, qui comporte une forte minorité russe, a oscillé entre des gouvernements prorusses et d’autres pro-occidentaux, partisans d’une intégration à l’Union européenne, à laquelle ils sont contraints de renoncer en 2013 sous la pression russe. La révolution démocratique pro-occidentale de Maïdan, en 2014, aboutit à un renforcement de l’occidentalisation, mais déclenche, par contrecoup, la sécession des régions russophones du Donbass. Les accords de Minsk ne réussissent pas à mettre fin à la guerre qui oppose les armées ukrainiennes aux forces séparatistes ravitaillées et soutenues par la Russie. Cette guerre, qui, selon l’écrivain André Markowicz, aurait fait 13 000 morts entre son déclenchement et 2022, est un véritable abcès devenu purulent et qui répand son infection. Le 20 septembre 2019, le candidat anti-partis Zelensky est élu président du pays.

Depuis 2014, l’Ukraine s’est réarmée ; elle a bénéficié non seulement de l’aide technique et informatique des États-Unis, mais aussi de leurs armements et de leurs entraînements militaires. Elle s’est renforcée alors même que Poutine la croit divisée et affaiblie avec à sa tête un comédien devenu président ; il croit que sa composition ethniquement duelle en fait une entité fragile. Il sait aussi que les États-Unis, retirés d’Afghanistan, ne peuvent envisager une nouvelle aventure militaire au loin. Il voit, enfin, que les nations de l’Union européenne manquent d’unité et il les croit affaiblies par leurs « mœurs féminisées » que méprise son virilisme. Aussi, après avoir annexé la Crimée, péninsule tatare russifiée, et armé les « républiques » sécessionnistes de l’est de l’Ukraine depuis 2014, il lance son offensive sur tout le pays en 2022 en étant sûr de pouvoir décapiter son pouvoir exécutif et d’obtenir la reddition de ses armées.

Sous le pouvoir continu de Poutine, la Russie est devenue de plus en plus soumise à un régime autoritaire qui, sous une façade parlementaire, a vu ses élections verrouillées par le Kremlin et retourne à la sainte Russie d’avant 1917, en restituant à l’Église orthodoxe sa sacralité tutélaire. Eltsine avait ouvert la porte non pas à la concurrence du marché mais, en fait, à la formation d’énormes oligopoles que ne contrôle aucune loi antitrust. La corruption et les mafias se déchaînent.

Cette Russie au capitalisme effréné se combine à un régime policier, héritage direct de l’URSS

Cette Russie au capitalisme effréné se combine à un régime policier, héritage direct de l’URSS. Ancien lieutenant du KGB, Poutine utilise les méthodes de surveillance et, surtout, de liquidations physiques de l’ère stalinienne, n’hésitant pas à recourir à des assassinats ciblés et à des meurtres camouflés, y compris à l’étranger.

La guerre d’Ukraine aggrave le caractère répressif du poutinisme, qui étouffe dans l’œuf toute opposition à cette aventure militaire. La Russie subit des sanctions auxquelles elle semble s’être préparée en accumulant des réserves, mais qui agiront à la longue, tout en affectant l’économie des sanctionneurs qui dépendent du gaz, du pétrole, du blé russes, comme ils dépendent du blé et des matières premières d’une Ukraine économiquement paralysée par la guerre et incapable d’exporter tant que son littoral sera occupé ou contrôlé par la Russie.

Sauf compromis que dicterait un minimum de lucidité réciproque, la Russie et l’Ukraine sont engagées dans une guerre longue, avec une escalade continue dans l’exaspération d’un conflit dont la généralisation ravagerait l’Europe et le monde. Ajoutons qu’au fléau de cette guerre, à ses conséquences économiques déjà désastreuses et à son risque de généralisation dévastatrice se joignent le réchauffement climatique brutal, la sécheresse, la crise inachevée consécutive au Covid, dont on peut redouter une nouvelle flambée en automne…

 

L’Occident face à la Russie : un siècle de tensions, d’Accords et de revirements

L’évolution des relations internationales entre la Russie et les puissances occidentales a été marquée par des alliances entre régimes incompatibles et des renversements brutaux.

Rappelons qu’une alliance franco-russe a été conclue en 1892 entre la IIIe République française et la Russie despotique tsariste, pour faire face à la menace que constituait l’Allemagne pour ces deux pays, et cette alliance fut opérationnelle pendant la guerre de 14 jusqu’à la défaite russe et la révolution soviétique de 1917.

L’URSS fut alors mise au ban des nations et victime de l’encerclement des puissances capitalistes, jusqu’à ce que l’accession de Hitler au pouvoir et la remilitarisation de l’Allemagne lui permettent d’entrer à la Société des Nations, et que le ministre des Affaires étrangères français de l’époque, Pierre Laval, signe en mai 1935 un pacte d’assistance mutuelle avec les Soviétiques et se rende à Moscou où Staline approuve la défense nationale française que combattait jusqu’alors le Parti communiste. Or, Staline s’était déjà montré un féroce dictateur : les grandes purges ont commencé après l’assassinat de Kirov, en décembre 1934. Au mois de janvier suivant s’étaient ouverts les procès déments contre de prétendus traîtres, dont Kamenev et Zinoviev, deux vieux bolcheviks accusés d’être des espions hitléro-trotskistes.

Après les accords de Munich, signés en septembre 1938, les négociations reprennent entre la France, l’Angleterre et l’URSS, en dépit des procès de Moscou et des énormes purges, liquidations et déportations staliniennes, afin d’envisager une alliance pour protéger la Pologne des ambitions hitlériennes. Elles échouent, cependant, parce qu’Anglais et Français refusent qu’en cas de guerre l’URSS pénètre en Pologne. Ce qui contribue à amener Staline au pacte germano-soviétique, scandale intellectuel qui lie d’amitié les deux plus irréconciliables ennemis.

Si la chute de Poutine est souhaitable, son maintien n’est pas en soi un obstacle à la négociation

Il n’empêche qu’après avoir envahi la Pologne (partagée avec l’URSS), puis la France, l’Allemagne hitlérienne s’attaque à l’URSS, laquelle bénéficie des actions militaires menées par l’Angleterre en Afrique du Nord où le général Montgomery sécurise l’accès aux ressources pétrolières du Moyen-Orient en arrêtant l’armée de Rommel à El-Alamein. Puis, alors que l’URSS envahie réussit à sauver Moscou fin 1941, l’Amérique, embarquée dans la guerre par l’attaque japonaise contre Pearl Harbour, va apporter une aide matérielle et militaire considérable aux Soviétiques.

Plus tard, en juin 1966, de Gaulle se rend à Moscou en pleine guerre froide pour signer un accord de coopération militaire avec l’URSS (qui, pour lui, est la Russie), en dépit du totalitarisme soviétique, afin de contrebalancer l’hégémonie des États-Unis en Europe.

C’est dire que, dans le monde cynique des États et des intérêts nationaux, une démocratie peut établir des accords, voire des alliances, avec une dictature.

Or, si la chute de la dictature de Poutine est souhaitable, son maintien n’est pas en soi un obstacle à la négociation.

Cela dit, examinons le contexte historique après la guerre froide.

Quand Gorbatchev a demandé aux États-Unis de ne pas étendre l’Otan au-delà de l’Allemagne, dont il avait accepté la réunification en 1990, et que la promesse lui en a été faite verbalement par le président George Bush, il était profondément pacifique mais tenait à maintenir une zone neutre entre l’Otan et la Russie.

Cette promesse a été oubliée par les États-Unis. Toutefois, un accord entre la Russie et l’Otan avait été signé le 17 mai 1997 et présenté comme l’« Acte fondateur » pour construire une paix durable en Europe. L’Otan avait dans la foulée déclaré « n’avoir aucune intention […] d’y faire stationner des forces de combat permanentes ni de déployer des armes nucléaires sur le territoire des nouveaux membres ».

Gorbatchev tenait à maintenir une zone neutre entre l’Otan et la Russie

Otan en emporte le vent… L’Alliance atlantique s’est étendue du côté de la Russie en englobant les anciens satellites de l’URSS ou les nations qu’elle avait annexées : pays baltes, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Roumanie. Cet élargissement s’est fait à la demande des pays concernés, inquiets de la guerre de Tchétchénie, puis des interventions militaires russes en Géorgie et des pressions sur l’Ukraine.

Ainsi, la Russie, qui avait vécu l’encerclement capitaliste entre les deux guerres mondiales, puis le containment, l’« endiguement », de la guerre froide, s’est trouvée de nouveau objectivement encerclée, d’où ce sentiment subjectif d’être cernés chez les élites dirigeantes russes, en particulier chez Poutine.

Rappelons que le diplomate américain George Kennan, qui fut un rigoureux acteur du containment de l’URSS durant la guerre froide, a qualifié cet élargissement de funeste erreur. Opinion partagée par Zbigniew Brezinski, ex-conseilleur de Carter et d’Obama. Mais l’entente possible entre la Russie et les États-Unis n’a pas eu lieu. S’est au contraire développée une opposition devenant conflictuelle.

Notons aussi que les États-Unis se sont mis à entretenir une discrète présence en Ukraine dès qu’il s’y est manifesté un fort mouvement démocratique pro-européen, et qu’ils ont travaillé à contrecarrer les pressions russes et l’influence des éléments russophiles.

Tout l’enchaînement qui conduit à l’invasion de l’Ukraine ne peut être isolé de ce processus dialectique qui voit le jeu entre la Russie, les États-Unis et les nations limitrophes de la Russie devenir de plus en plus antagonique, jusqu’à la guerre interne à partir de 2014, puis la guerre d’invasion de février 2022.

Revenons sur la Russie. La guerre aggrave la dictature de Poutine. Peut-être suscitera-t-elle un coup d’État qui le renversera, ce qui semble difficile, vu l’étroit contrôle de la police secrète. Poutine assume à la fois l’héritage tsariste et l’héritage stalinien, sans être ni un tsar ni un Staline. Il ravive le culte de la grande et sainte Russie tsariste et la suprématie de la police secrète en renouant avec les méthodes qui étaient les siennes sous Staline. S’il n’entretient pas véritablement de culte de sa personnalité, il se plaît parfois à exhiber sa virilité. Il est devenu progressivement de plus en plus autoritaire et répressif. Il a souffert de l’effondrement de l’Union soviétique, même s’il sait qu’il ne pourra la ressusciter : « Celui qui ne regrette pas l’Union soviétique n’a pas de cœur. Celui qui veut la reconstituer n’a pas de tête », a-t-il un jour déclaré. Il entretient la volonté de remembrer au moins son noyau slave et de garder pied et œil dans le Caucase.

Par ailleurs, la réalité ukrainienne s’est imposée alors que Poutine n’y voyait qu’un agrégat de « Petits-Russiens » (le nom que, dans le passé, les Russes attribuaient traditionnellement aux Ukrainiens) et de Russes. Il n’a pas vu l’Ukraine comme une unité nationale. Il ne se doutait pas que l’agression russe parachèverait et consoliderait cette unité.

Toutefois, l’Ukraine est d’une complexité qu’ont occultée nos médias. Même si l’on exclut le Donbass, elle comporte une minorité russophone (impossible à chiffrer) partagée entre, d’un côté, l’hostilité à une Russie dictatoriale et dévastatrice et, de l’autre, un sentiment prorusse. Florence Aubenas a fait état dans Le Monde d’une petite manifestation prorusse le 9 mai à Kiev même. Il y a, aussi, l’ambiguïté d’un culte, avec statues, à Bandera. Ce leader de l’indépendance ukrainienne émigra au temps de l’URSS, avant de devenir un collaborateur des nazis et de leurs exactions durant l’occupation de l’Ukraine par la Wehrmacht. Le banderisme a ainsi laissé un héritage nazi ; s’il est certes minoritaire, il n’en demeure pas moins que ce sont les fascistes ukrainiens qui se sont trouvés en première ligne dans la guerre contre les séparatistes du Donbass et qu’ils y ont commis des exactions. Le régiment Azov, intégré par utilité de guerre dans la Garde nationale ukrainienne, a été sous commandement fasciste. Certes, l’Ukraine s’est démocratisée en s’urbanisant ; elle s’est occidentalisée à travers le consumérisme dû à son essor économique. Le vieil antijudaïsme populaire d’une Ukraine rurale s’est progressivement réduit, et un Juif a été élu à la tête du pays. Tout cela plaide en faveur d’une issue à la guerre qui restaure l’indépendance ukrainienne.

 

Un compromis est-il possible ?

Il faut un vaincu en déroute totale pour qu’il y ait une paix de capitulation, comme ce fut le cas de la France en 1871 puis en 1940, sinon se conclut une paix de compromis qui s’établit selon le rapport des forces et les subtilités de la diplomatie. Actuellement, le rapport des forces est à peu près égal, du fait de la difficulté des Russes à tenir tout le Donbass. Toutefois, cette occupation, si elle était complète, modifierait le rapport des forces sans que l’Ukraine soit vaincue. De même, on peut envisager une offensive ukrainienne qui refoulerait les armées russes jusqu’à la frontière, mais la Russie demeurerait une énorme puissance militaire.

Un compromis de paix est donc possible, en dépit des criminalisations réciproques et des haines exaspérées qui tendent à l’empêcher. Le compromis suppose l’indépendance de l’Ukraine, qui est absolument indispensable, mais indépendance ne signifie pas nécessairement intégrité du territoire. Ici se pose la question du Donbass, région industrielle équipée et en grande partie peuplée par des Russes du temps de l’URSS et qui reste russophone et russophile. Certes, un certain nombre de russophones, dont il est impossible actuellement de préciser le nombre, sont devenus hostiles à la dictature poutinienne et à la brutalité de l’invasion russe, mais une grande partie est engagée dans la guerre qui dure depuis 2014 contre l’armée ukrainienne. On voit mal cette région revenir purement et simplement à l’Ukraine actuelle, devenue viscéralement antirusse. Et si c’était le cas, les insurgés subiraient une rude répression et ne cesseraient de se révolter. On voit difficilement son intégration dans une Ukraine fédérale. Un référendum serait souhaitable pour décider soit un statut de république « indépendante », soit une intégration à la Russie – ce qui ne pourrait se faire qu’en contrepartie de la garantie de l’indépendance de l’Ukraine par un accord international incluant l’Otan – avec pour l’Ukraine, en contrepartie, une neutralité selon le mode autrichien ou bien une intégration dans l’Union européenne. J’ajoute qu’il serait important d’envisager dans le futur l’inclusion de la Russie dans l’Union européenne comme issue positive à la relation Russie-Occident.

Il serait important d’envisager dans le futur l’inclusion de la Russie dans l’Union européenne

Le Donbass étant d’importance économique et stratégique pour l’Ukraine, il serait à prévoir dans tous les cas un condominium russo-ukrainien qui en partagerait les richesses.

Le statut du littoral de la mer d’Azov devrait être traité. Un contrôle russe pourrait être compensé par la constitution de Marioupol et d’Odessa en ports francs, avec un statut comparable à celui de Tanger.

Par ailleurs, il serait souhaitable que, dès l’armistice, soit prévue la possibilité d’exporter les blés ukrainiens comme les blés russes vers les pays qui en sont actuellement privés.

Le montant des réparations et de la reconstruction de l’Ukraine devrait être supporté non seulement par la Russie, mais également par les Occidentaux qui, en contribuant à la guerre, ont aussi objectivement contribué aux destructions.

L’hystérie antirusse, non seulement en Ukraine mais aussi en Occident, notamment en France, devrait finir par s’atténuer et disparaître, comme se sont éteintes l’hystérie nationaliste de l’Allemagne nazie et l’hystérie antiallemande qui identifiait Allemagne et nazisme. Il est honteux et lamentable qu’on interdise artistes, danseurs, metteurs en scène, sportifs russes, et il est heureux que malgré la demande de certains cinéastes ukrainiens, les cinéastes russes n’aient pas été exclus du Festival de Cannes.

Enfin, il faut souhaiter que la paix arrive le plus rapidement possible, vu que la guerre produit non seulement des désastres humains irrémédiables en Ukraine, mais aggrave aussi la difficulté des conditions de vie dans le monde et engendre un risque de famine dans de nombreux pays et, ce qu’on oublie, occulte les problèmes vitaux qu’il nous faut affronter depuis des décennies – la dégradation écologique de la planète et le réchauffement climatique ; la recherche incontrôlée de profit qui détermine la crise écologique et intensifie la crise généralisée des démocraties dans le monde ; la crise de la mondialisation, amplifiée par la crise planétaire issue de la pandémie, pandémie elle-même non domptée et qui risque de se déclencher à nouveau.

J’essaie de ne pas désespérer, non tant pour ma personne en limite de vie, que pour les jeunes générations et nos descendants. 

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