Le mythique canal qui fait la réputation de l’isthme compris entre la Colombie et le Costa Rica dresse un rideau trompeur. Panama sent l’argent noir à plein nez. Les hôtels cinq étoiles, les casinos, les tours qui sortent de terre, le port franc totalement exonéré d’impôts, le pavillon maritime de complaisance et la pléthore de sociétés offshore l’attestent.  Ce pays, à la jonction de l’Amérique du Nord et du Sud, offre un terrain idéal pour que prospère la finance la plus trouble. Les blanchisseurs de fonds sales y sont accueillis à bras ouverts. Bon nombre de scandales de corruption, de blanchiment d’argent et de spéculation de par le monde ont transité par cette république de 3,6 millions d’habitants.

«Panama ne satisfait aucun des standards de transparence et est très en retard sur les autres juridictions offshore », souligne Pascal de Saint-Amans, directeur du centre de politique et d’administration fiscale de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). En effet, à l’inverse de la plupart des zones extraterritoriales, Panama ne s’est pas engagé en faveur de l’échange automatique de renseignements fiscaux d’ici 2017-2018. La place figure parmi les « trous noirs » de la haute finance planétaire mis à l’index, aux côtés de Nauru, des îles Cook, de Vanuatu et de Bahreïn.  Et les changements proposés par le gouvernement de Panama City au fonctionnement de cet important centre financier – qui compte 1 800 milliards de dollars d’actifs – sont jugés totalement insuffisants.

De surcroît, dans le classement de Transparency International publié en 2014, Panama se situe dans le peloton de tête des nations les plus corrompues de la terre.

Au cœur du dispositif offshore figurent les grands cabinets d’avocats, inamovibles détenteurs du vrai pouvoir économique et par ricochet de l’influence politique dans le pays. Si les 90 banques locales et internationales apparaissent bien réglementées, les fameux « attorneys at law » disposent de toute liberté d’action pour recycler les capitaux baladeurs. Ces entités juridiques sont connues pour faciliter ­l’immatriculation des navires sous le pavillon de complaisance.  

Panama est le leader mondial des pavillons de complaisance avec 8 600 navires en 2014, avant le Libéria, les îles Marshall, Hong Kong et Singapour. Le drapeau national  permet aux armateurs de se jouer des impératifs en matière de sécurité maritime ou des droits des marins tout en bénéficiant de largesses fiscales. La relative simplicité et la rapidité des procédures sont au cœur de la prospérité du pavillon.

Dans les faits, le « club » très puissant des avocats panaméens, et non la direction de la marine marchande, gère le pavillon. Les cabinets disposent de leur propre société d’experts délivrant les certificats officiels du navire réclamés par l’administration maritime. Reste que les honoraires sur les enregistrements de bateaux ne sont qu’un simple produit d’appel pour ces mastodontes diversifiés passés experts en domiciliation d’entreprises et de grosses fortunes de tout ordre.   

Car, en bon paradis fiscal, Panama et son régime des sociétés offshore garantissent  la souplesse et l’anonymat que non seulement les armateurs mais les milieux pétroliers, miniers ou de l’import-­export recherchent.  Les 350 000 sociétés-écrans, défiscalisées et d’une opacité totale, sont protégées par les prête-noms des avocats. Des montages qui peuvent être créés en quelques jours, voire en quelques heures.

Essentiellement originaires d’Amérique du Nord et du Sud, ainsi que d’Asie, les clients sont recommandés par les banques et par des grands cabinets d’avocats internationaux. Panama présente toute la palette des services financiers. Ainsi, la Panama Corporation ne demande pas de capital minimum mais seulement trois directeurs et au moins un actionnaire. Les trusts qui sont réservés aux étrangers ont une vocation de protection patrimoniale. La fondation permet de détenir des biens sans exercer d’activité commerciale. Et ainsi de suite pour une suite sans fin. 

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