Mon cher Usbek, depuis mon arrivée dans le royaume de France, le 18 de la lune de Shahrivar, je tombe des nues. Paris est encore plus grand ­qu’Ispahan. Les maisons y sont si hautes qu’on les croirait toutes habitées par des astrologues. Les Parisiens, pressés, dévalent les trottoirs, de petites boîtes noires collées à l’oreille. J’enrage comme un eunuque quand je les vois s’agiter ainsi, mais c’est leur langage qui me trouble le plus : je n’y comprends goutte.

Le français des Français est un drôle de sabir. « Ici, m’a expliqué mon aubergiste, tout le monde craint un remake de la crise financière. On cherche désespérément à relever le challenge en boostant l’activité. Serions-nous une nation de losers ? En tout cas, le French bashing devient insupportable. » 

L’apothicaire de ma rue, installé entre un coffee shop et un Carrefour City, se plaint des étranges lucarnes : « En prime time et en live, faute de talk-shows, on doit se rabattre sur le replay. » Quant aux dirigeants politiques, « ils twittent à longueur de journée : c’est à qui aura le plus de followers. Nombre d’entre eux ont pris un coach, car ils sont désormais des people dont le moindre selfie peut faire le buzz. » 

Voilà des bizarreries, mon cher Usbek, que l’on n’entend point par chez nous.

Oserais-je te dire que j’en perds mon persan ? Le plus curieux, c’est que les Français sont incapables de construire deux phrases correctes en anglais. Et leur prononciation te ferait mourir de rire. Aucun autre peuple en Europe n’est, paraît-il, aussi fâché avec la langue de Shakespeare.  

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