Chaque quartier, chaque rue, chaque ruelle a une mémoire, une mémoire qui lui est propre. Toutes sortes de récits se perpétuent, mille histoires restent gravées dans les cœurs des habitants, mêlant réalité et fiction, éléments du mythe et de la vérité. La conscience du passé est plus dense et foisonnante dans le Caire ancien parce que les gens y entretiennent au quotidien des liens plus étroits. Ici, dans ces rues, les vies sont imbriquées, les destins convergent, y compris lorsque les disputes éclatent.

Les plus belles heures sont pour moi celles du petit matin, ainsi que celles qui s’étendent du coucher du soleil à l’aube. Entre les unes et les autres, un endroit donné n’offrira pas le même aspect, ni la même expérience. D’où vient cette curieuse idée qui voudrait que les lieux soient des points figés, immuables, et que seul le temps soit en mouvement ? En vérité, l’espace et le temps sont les deux faces d’une même pièce. On ne pourrait d’ailleurs se souvenir d’un instant révolu sans avoir en mémoire son cadre spatial. Lorsqu’un esprit s’aventure dans les artères du passé, en quête des jours anciens, il doit nécessairement se raccrocher à une géographie intime. 

Je ne connais personnellement pas de meilleur moment que celui de l’aurore, quand la nuit se retire peu à peu pour céder la place au jour. C’est alors que j’aime faire ma promenade hebdomadaire, un rituel auquel je tiens énormément et que je regrette de ne pouvoir accomplir quand je suis à l’étranger. Je traverse le quartier de Gamaliyya, ou celui du Darb al-Ahmar, afin de voir la ville s’éveiller, voir les cafés situés loin des grands axes ouvrir leurs portes, disposer leurs chaises pour accueillir leur clientèle. Dans le Caire ancien, les cafés fonctionnent pour les hommes, et en particulier pour les artisans, comme un lieu de transition entre la maison et le travail. C’est là qu’on prend généralement son petit-déjeuner : du thé, une rapide collation et quelques bouffées de tabac, de quoi remettre sa cervelle en marche avant d’aller remplir son devoir.

D’autres endroits existent pour le repas du matin, à commencer par les charrettes des vendeurs de foul1. Ces espèces de gargotes mobiles n’ont rien à envier aux établissements classiques ; on y trouve les mêmes assiettes, les mêmes cagettes à pain, oignons frais, citrons et légumes marinés… Elles permettent de plus de s’offrir un moment de convivialité, de bavarder avec des inconnus, parfois d’échanger quelques confidences. Jusqu’aux années 1960, la réputation de certains restaurateurs ambulants de Gamaliyya dépassait celle des établissements ayant pignon sur rue. Tout le monde connaissait par exemple Abou Hagar (pour le foul) ; El-Khodri (pour les pâtisseries) ; Abdouh el-Maghribi (pour le couscous)… sans parler des nombreux marchands de fatayer2. Avant l’explosion démographique qu’a connue Le Caire, les patrons de ces gargotes itinérantes se donnaient la peine de crier leur marchandise, de rechercher la belle formule pour vanter la finesse de leur cuisine. Malheureusement, en raison de la demande croissante, ce genre d’égards et de petits soins n’est plus à l’ordre du jour. Maintenant, lorsque je m’arrête pour manger à une charrette à foul, je sais que je dois me servir moi-même de pain, de citron et d’oignon, comme dans un buffet. À la fin du repas, je déclare au patron ce que j’ai pris ; il me dit alors, sans poser sa louche, ce que je lui dois. Il n’y a jamais de discussions sur le prix à payer et jamais je n’ai vu un client mentir. Les Égyptiens peuvent se rendre coupables de certains abus et filouter sur bien des choses, mais il est inimaginable qu’ils le fassent sur la nourriture, surtout de bon matin, et surtout pour un simple petit-déjeuner. Même un bandit invétéré ne se hasarderait pas à commettre un tel forfait.

À la nuit tombée, la rue se transforme en une sorte de salon en plein air. Les cafetiers sortent leurs tables et leurs chaises et, jusqu’au dîner, passants et passantes vont et viennent en nombre. Ensuite, autour de dix heures, les femmes commencent à se faire plus rares, laissant les hommes entre eux pour la soirée au café. C’est en fait une aubaine pour les épouses qui peuvent non seulement s’accorder un moment de répit loin des maris et de leurs sempiternels reproches, mais aussi envoyer leurs fils auprès d’eux, afin qu’ils leur procurent ce dont elles ont besoin. L’enfant transmet les requêtes de sa mère en murmurant timidement à l’oreille du chef
de famille, mais il est exclu que ce
dernier émette une objection. Se trouvant parmi ses pairs, l’homme ne peut
se permettre de donner l’impression qu’il néglige son foyer. 

 

***

 

Le temps marque les visages. Lorsque son pas s’alourdit, il peut laisser de profondes empreintes et donner quelque chose de vague aux regards. ‘Amm ‘Abdouh a maintenant quatre-vingts ans. Depuis cinq décennies, il exerce le métier séculaire de ravaleur-badigeonneur, si bien qu’il peut se targuer d’être entré dans toutes les maisons du quartier… « Toutes sans exception », dit-il.

Quand je l’interroge sur la mosquée qui se dresse devant nous, en lui demandant pour qui elle fut construite, il lève les yeux vers le sanctuaire et me dit : 

« Pardon, mais… c’est… Oum Sultân… »

Lorsqu’il prononce ce nom, je peux lire de la gêne sur son visage. Voulant comprendre, je lui demande pour quelle raison. 

« Dieu commande la décence », se contente-t-il d’abord de me répondre. 

Puis, devant mon insistance, il finit par m’avouer : 

« Pardon, mais… c’est qu’elle était comme qui dirait sortie du droit chemin… »

Cette expression est récurrente dans le récit populaire. ‘Amm ‘Abdouh me livre cependant quelques détails supplémentaires. Le fils d’Oum Sultân, autrement dit le sultan mamelouk Sha‘bân, était très embarrassé par l’inconduite de sa mère. Il fit bâtir à son intention cette belle mosquée et demanda qu’une tombe soit creusée. Une fois l’ouvrage achevé, il emmena sa mère visiter les lieux et, lorsqu’elle s’approcha de la sépulture, il la poussa dans le trou et se mit aussitôt à la recouvrir de terre. 

« Voilà, c’est comme ça qu’il l’a enterrée vivante… », conclut ‘Amm ‘Abdouh.

Cette histoire, je l’ai souvent entendue dans le quartier. La forme peut varier d’une personne à l’autre, mais l’idée reste au fond toujours la même : le sultan ne peut plus tolérer les comportements indignes de sa mère et finit par l’enterrer vive. Les documents de l’époque contredisent largement cette version des faits et font du personnage maternel un tout autre portrait. Il n’en demeure pas moins, assez étrangement, que la légende s’est maintenue, près de huit siècles après les événements.

 

Je remonte vers Bâb al-Wazîr, laissant derrière moi la rue Sûq al-Silâh, le Darb al-Tabbâna et la mosquée ‘Ârif Bâshâ – édifiée par l’émir Muqbil ad-Dîn ar-Rûmî, puis rénovée à l’époque ottomane par Al-Darmillî Bâshâ, elle a finalement pris le nom d’un fils du quartier, ‘Ârif Bâshâ.

La rue ne suit pas un tracé rectiligne, elle va en serpentant. C’est l’une des caractéristiques de la vieille ville, comme je le mentionne régulièrement. Chaque portion de cette voie aboutit soit à une mosquée, soit à une grande maison, soit encore à un sabil, une fontaine monumentale. Une activité débordante se déploie dans cette rue qui est comme une archive vivante de l’histoire de l’architecture. Les ateliers des artisans couvrent toute la gamme des métiers et des savoir-faire traditionnels. Je passe devant la maison d’Ahmad Katkhoda al-Razzaz, vaste demeure composée de deux corps de bâtiment, dont chacun équivaut de par ses dimensions à une maison indépendante.

Les noms des mosquées, tout comme ceux des rues, des quartiers ou des allées, marquent les esprits. J’emprunte ainsi une voie appelée Haret al-Sâ’ima. Qui était donc cette sâ’ima, cette jeûneuse ? À coup sûr une vénérable femme qui s’illustra par ses exploits sur la voie de l’ascétisme… 

Mais le plus étonnant à mes yeux, c’est la manière dont les gens désignent le cimetière de Bâb al-Wazîr. Un jour, j’ai voulu me renseigner auprès d’un riverain sur l’origine de ce nom – « la Porte du Vizir » –, et lui demander s’il savait qui était le haut dignitaire en question. Le vieil homme s’est mis à agiter la main en me disant :

« Bâb al-Wazîr ? Mais mon pauvre monsieur, plus personne n’appelle cet endroit Bâb al-Wazîr… Là, c’est l’Aéroport international ! 

– De quel aéroport parlez-vous, au juste ? », lui ai-je demandé, perplexe.

C’est alors qu’il m’a expliqué, hilare : « Ceux qui s’en vont là-bas, on ne les voit jamais revenir. Ils prennent toujours un aller simple !

– Je vois… C’est la raison pour laquelle le cimetière est appelé l’Aéroport international…

– Exactement… m’a-t-il confirmé. Enfin… sauf si vous avez déjà entendu parler de quelqu’un qui serait revenu de là-bas. Auquel cas, dites-le-moi ! »

À cet instant, je me suis souvenu que, quelques années auparavant, je m’étais arrêté en voyant le nom du passage qui relie la rue Sûq al-Silâh au cimetière de Bâb al-Wazîr : Sikkat al-Wadâ‘, « la Voie des adieux ». J’avais été frappé et irrémédiablement charmé par la force poétique de ce toponyme. Lentement, je l’avais relu. Les rues du Caire ancien peuvent prendre des significations que l’écriture ne saurait restituer. Je me passionne depuis longtemps pour l’histoire de ces quartiers, pour les strates superposées du temps et de l’espace… En d’autres termes : qui se trouva ici avant moi, qui vint, qui s’installa, qui partit et qui resta ? Pour la vieille ville du Caire, ce ne sont pas les sources documentaires qui manquent. Il y a notamment les ouvrages dits de Khutat, un genre de topographie littéraire inauguré en Égypte dès la fin du premier siècle de l’Hégire, avec l’ouvrage d’Ibn ‘Abd al-Hakîm intitulé Conquêtes de l’Égypte et du Maghreb (Futûh Misr wa-l-Maghrib). On trouve dans ce livre une description détaillée de la première cité de Fustât, de sa topographie, de ses édifices. Ensuite, il y eut les Khutat d’Al-Maqrîzî, une œuvre extraordinaire qui réussit comme nulle autre à rendre par l’écriture l’âme des lieux. Il s’agit d’une somme encyclopédique dont la valeur historiographique – elle renferme nombre de documents qui ne figurent nulle part ailleurs – fait trop souvent oublier la grande beauté littéraire. La démarche d’Al-Maqrîzî a été poursuivie au xixe siècle par Alî Pacha Mubârak, auteur d’Al-Khutat al-Tawfîqiyya. La quantité d’écrits sur l’histoire du Caire est incommensurable : annales, chroniques, récits de voyageurs orientaux et occidentaux, mémoires de savants et d’hommes de lettres, sommes biographiques… Je note cependant que l’intérêt pour la ville s’étiole. Depuis quelques années, les ouvrages qui paraissent en arabe à ce sujet sont le fait d’initiatives individuelles isolées et leur nombre reste très inférieur à ceux qui sont publiés en langues étrangères.

 

Plus loin, rue Bâb al-Wazîr, je passe devant la médersa 3 d’Oum Sultân Sha‘bân. Et voici le Darb al-Qazzazîn, la ruelle des artisans de la soie. Au coin se dresse la fontaine et l’école coranique Ali Agha, et de l’autre côté, la mosquée Aqsunqur. Construit au viiie siècle de l’Hégire – le xive de l’ère chrétienne –, ce dernier sanctuaire est aussi connu sous le nom de la mosquée Ibrahim Agha Mustahfazan, ainsi que sous celui, qui est en fait le plus courant, de la Mosquée bleue. En franchissant le seuil, on entre de plain-pied dans une cour centrale ouvrant sur les cieux. Il suffit d’un seul pas pour passer de l’extérieur à l’intérieur. Ici, il n’y a pas de parcours graduel : le visiteur arrive d’emblée au cœur du sanctuaire. Un petit bouquet d’arbres dont la luxuriance est sans doute liée à la proximité de la fontaine des ablutions occupe le centre de la cour. De là, en allant vers l’iwan4 orienté dans la direction de La Mecque, la première chose que remarque le visiteur est la tribune des prêches. L’ouvrage est soutenu par huit colonnes de marbre. À en juger par leurs chapiteaux, il est très probable que celles-ci proviennent d’un temple ou d’une église de l’époque romaine tardive, celle où l’ordre corinthien dominait.

C’est dans l’iwan que réside le grand point d’intérêt de cette mosquée : un pan de mur entier couvert de carreaux de céramique qui forment ensemble un magnifique décor végétal. Il se présente dans un jaillissement de bleu embrassant les diverses nuances de cette couleur. Le grand vase duquel s’échappent ramures et rinceaux est d’un bleu tirant sur le rouge, ce qui lui donne une légère teinte violacée. Les motifs végétaux et floraux sont d’un ton plus clair. Quant à l’arrière-plan, il se rapproche de l’azur. Ce camaïeu est une œuvre tout à fait virtuose. Pour avoir, au cours de mon expérience dans les métiers du tapis oriental, étudié de près l’art de la composition chromatique, je puis affirmer qu’en la matière les possibilités sont infinies. La symbolique des couleurs est d’ailleurs un vaste sujet auquel j’ai bien l’intention de m’intéresser dans un prochain livre.

Ce mur de céramiques bleues suscite chez moi un émerveillement plus intense encore que ce que j’ai pu ressentir devant les plus célèbres œuvres d’art. Près de la niche indiquant la direction de La Mecque, dans un immense rectangle, sont représentés deux tulipiers élancés, une espèce d’arbres originaire d’Asie centrale, dont j’ai découvert l’existence dans les miniatures persanes. En 1986, le matin qui suivit la nuit de mon arrivée à Boukhara, j’ai ouvert la fenêtre de ma chambre, et c’est alors que j’ai vu dans le parc devant moi plusieurs représentants de cette espèce ; je n’en revenais pas d’avoir sous les yeux ces tulipiers que je n’avais jamais eu l’occasion d’observer en vrai. Je les connaissais seulement à travers les miniatures de l’artiste iranien Kamal al-Din Behzad et de ses pairs de la célèbre école d’Herat, ou des autres écoles persanes, afghanes et mogholes. Voir de ses yeux l’origine des choses est une expérience incomparable. Je possède toute une collection d’ouvrages sur l’art islamique, et notamment sur la miniature persane. J’ouvre régulièrement ces beaux livres afin d’enrichir ma culture visuelle. J’ai en tête les moindres détails de certaines œuvres, par exemple les peintures du Chah-nameh du chah Tahmasp, l’une des plus somptueuses illustrations du célèbre poème de Ferdowsi. Il m’a été donné de voir deux fois les originaux : la première au British Museum, au cours des années 1990 ; la seconde, quelque temps plus tard, lorsque la même exposition a été montée à l’Institut du monde arabe. Je suis resté un long moment à les contempler, en me disant, comme chaque fois que j’avais eu l’opportunité d’admirer autre chose qu’une reproduction : 

« Décidément, rien ne vaut l’original… »

Les céramiques bleues de cette mosquée abandonnée tout au fond du Darb al-Ahmar comptent parmi les joyaux de l’art mondial. Malheureusement, nous ne savons pas mettre correctement en valeur notre patrimoine, ni en mesurer toute la portée, comme l’ont fait les archéologues étrangers. Le premier à avoir rendu compte
dans un livre de la richesse de l’art islamique fut un Français, Émile Prisse d’Avennes. Au xixe siècle, cet artiste est venu s’installer en Égypte, où il a passé dix-sept ans à dessiner les plus grands vestiges archéologiques. Son travail a été rassemblé dans un ouvrage en quatre tomes dont j’ai la chance de posséder une réédition. Ce livre est un musée en modèle réduit. De temps à autre, je repose mes yeux fatigués sur ces planches en m’efforçant de comparer les monuments représentés avec ce qu’il en reste aujourd’hui. Prisse d’Avennes a relaté dans ses mémoires les années qu’il a passées en Égypte (où il se faisait appeler Idriss Effendi) ; le regretté professeur Anouar Louca en a donné une traduction en arabe, traduction que j’ai publiée dans la série « Le livre du Jour », il y a de cela un quart de siècle. 

Je suis capable de contempler ce mur des heures durant, muet devant le génie de l’artiste, devant la couleur qui engendre la couleur, donne naissance à toute cette gamme de tons, sans contrastes violents ni dissonances : le blanc enfante le blanc, le bleu enfante le bleu… Cette dernière couleur occupe dans l’esthétique musulmane une place centrale, car elle correspond au ciel vers lequel le croyant lève les yeux – dans l’architecture, comme dans toutes les disciplines artistiques de l’Islam, tout converge vers un point, et un seul : le Créateur. Le bleu renvoie à l’infini, à l’illimité. 

La Mosquée bleue d’Istanbul est visitée chaque année par des millions de personnes. Je l’ai vue pour ma part trois fois, la dernière remontant à moins de trois mois. Elle est à mon sens la copie d’un original qui se trouve rue Bâb al-Wazîr, et qui est précisément notre Mosquée bleue du Caire. Le monument stambouliote est le fruit de la campagne de pillage des savoir-faire lancée par le sultan ottoman Selim Ier, lequel a fait main basse sur cinquante-trois arts et métiers – autant dire une civilisation entière ! –, en arrachant à l’Égypte tous les artistes et artisans possédant alors ces compétences. De mon point de vue, il s’agit d’un crime sans nom… Quant à la Mosquée bleue du Caire, elle est plus ou moins laissée à l’abandon. J’en ressors toujours avec le sentiment de quitter une ruine. Sans ce mur de céramiques, la misère de cet édifice serait complète.

Je reviens rue Bâb al-Wazîr. À quelques pas de là se trouve le cimetière que les habitants du quartier nomment l’Aéroport international. L’accès se fait par la rue principale, après la Zawiyet al-Hunûd, un établissement conventuel propre aux derviches indiens. À l’intérieur de la nécropole se trouve un établissement du même type, la Tekiyya al-Mîrghaniyya. Liée historiquement à une importante congrégation soufie soudanaise, elle accueille jusqu’à nos jours un grand nombre d’émigrés très pauvres du Soudan – un fait largement occulté dans les relations égypto-soudanaises. La voie mystique khatmiyya-mîrghaniyya est très présente en Égypte, où sont d’ailleurs imprimés la plupart des ouvrages concernant cette tradition culturelle.

Le cimetière de Bâb al-Wazîr est un musée à ciel ouvert, en particulier pour qui s’intéresse à l’architecture des mausolées. Il y en a de toutes les sortes et de tous les styles. J’aperçois les coupoles depuis l’avenue Salah Salem, un peu avant l’enceinte de la Citadelle lorsque je viens du quartier d’Al-Azhar, autrement dit du nord. C’est un endroit calme et bien ordonné. Phénomène général dans le pays : les zones d’inhumation demeurent beaucoup mieux aménagées et plus cohérentes au niveau de l’urbanisme que celles des vivants…
Il est d’ailleurs question, signe de l’absurdité qui prévaut actuellement, de déplacer la nécropole historique. Bien sûr, les responsables de ce vaste programme s’intéressent essentiellement aux profits qu’ils pourraient tirer de l’exploitation immobilière de ce terrain, et ils ne se préoccupent ni de la relation très spéciale que les Égyptiens entretiennent avec leurs morts, ni de l’inestimable valeur architecturale de ce cimetière, ni encore du fait qu’il appartient à la mémoire et au patrimoine culturel du pays…  

 

Traduit de l’arabe égyptien par EMMANUEL VARLET
Extrait des Illuminations égyptiennes : Promenades dans le Caire ancien – Poèmes de la pierre, Dâr Nahdet Misr, 2014 (inédit en français)

 

1. Le foul est un plat égyptien traditionnel à base de fèves

2. Les fatayer sont des sortes de galettes feuilletées et frites.

3. Une médersa, ou madrasa, est un établissement d’enseignement coranique de niveau secondaire ou universitaire.

4. L’iwan est une salle voûtée ouverte sur la cour centrale d’un bâtiment.

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