Héraut de la cause palestinienne, Mahmoud Darwich est en exil à Paris quand il écrit « Nous sortirons » en 1986. La parole se fait élégie collective. Songe-t-il à Moïse qui promettait au peuple juif : « Tu seras béni à ton arrivée et tu seras béni à ton départ » ? Le poète palestinien écrit : « Nous sortirons quand nous rentrerons. » 

Nous sortirons.
Nous l’avons dit : Nous sortirons.
Nous vous l’avons dit : Nous sortirons un peu de nous-mêmes. Nous sortirons de nous‑mêmes
Vers une marge blanche, méditer le sens de l’entrée et de la sortie.
Nous sortirons d’ici peu. Notre Père qui était en nous est rentré chez sa mère, le Verbe.
Nous avons dit : 
Nous sortirons. Étrennez une foulée en l’honneur d’un sang qui a débordé de nous
Et inondé vos canons. Arrêtez, cinq minutes, ces avions en piqué.
Interrompez, trois minutes encore, le bombardement par terre et par mer,
Que sortent ceux qui sortent et entrent ceux qui entrent...
Nous sortirons. Nous avons dit : Nous sortirons.
Laissez donc une petite place pour les derniers adieux.
Que la paix soit sur nous, que la paix soit sur nous.
Nous rangerons nos membres dans les valises. Arrêtez donc cinq minutes ce bombardement,
Que les belles élégantes lavent leurs seins des baisers passés.
Nous sortirons.
Nous avons dit : nous sortirons un peu de nous‑mêmes. Nous sortirons de nous-mêmes.
(…)

La terre nous est étroite, traduit par Elias Sanbar
© Éditions Gallimard, 2000, pour la trad. française

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