Depuis les atrocités commises le 7 octobre 2023 par des membres de groupes armés palestiniens dirigés par la branche armée du Hamas contre des civils et des soldats dans le sud d’Israël, les autorités israéliennes ont refusé l’accès à la bande de Gaza aux enquêteurs des organisations non gouvernementales (ONG), des Nations unies (ONU) et de la Cour pénale internationale (CPI) ainsi qu’aux journalistes. Les rares d’entre eux autorisés à entrer dans la bande de Gaza au cours de l’année écoulée n’ont pu le faire qu’en étant intégrés à l’armée israélienne, ce qui implique de se soumettre à des restrictions strictes sur ce qu’ils peuvent rapporter et signifie qu’ils n’ont aucune interaction avec la population civile. Si certaines restrictions à l’information sont courantes en temps de guerre, l’interdiction totale de fait imposée aux enquêteurs et journalistes d’entrer à Gaza est sans précédent dans les temps modernes, alors que ceux-ci ont pu couvrir les conflits majeurs de ces trente dernières années, du Rwanda des années 1990 à l’Ukraine actuelle. 

L’interdiction totale de fait imposée aux enquêteurs et journalistes d’entrer à Gaza est sans précédent

Bien qu’Israël n’autorise pas le libre accès à Gaza depuis de nombreuses années, les restrictions mises en place au cours de l’année écoulée sont sans précédent, tout comme les meurtres de journalistes et de travailleurs humanitaires palestiniens. Selon les organisations de défense de la liberté de la presse, la période qui a suivi le 7 octobre est de loin la plus meurtrière pour les journalistes jamais enregistrée. Avec autant de tués et de déplacés, il en reste moins pour informer sur le conflit et ses conséquences.

Quel but poursuit Israël à travers ces restrictions ? Réduire la couverture médiatique et saper la crédibilité des reportages des journalistes locaux en les accusant de manque d’impartialité. Ce dernier est effectivement un problème. Par exemple, les journalistes locaux ne peuvent ou ne veulent pas informer sur les exactions commises par le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens – soit par peur, soit parce qu’ils sympathisent avec eux. Dans certains cas, les informations qu’ils diffusent sur les attaques israéliennes sont exagérées ou inexactes. Cependant, une grande partie des informations publiées sont véridiques et peuvent être facilement corroborées et vérifiées. Par ailleurs, étant donné l’ampleur des violations et des atrocités israéliennes, il n’est pas difficile de trouver des victimes, des survivants et des témoins. En proportion, sur une population de quelque 2,3 millions de personnes, plus de civils, d’enfants, de travailleurs humanitaires et de journalistes ont été tués à Gaza que dans tout autre conflit ces dernières années.

En dépit de toutes les entraves et restrictions imposées par les autorités israéliennes, Amnesty International continue d’enquêter. Des images satellitaires, des vidéos et des photographies géolocalisables et vérifiables de manière indépendante permettent de corroborer les témoignages recueillis à distance par les enquêteurs de l’organisation auprès de survivants et de témoins et apportent les preuves de multiples violations du droit international humanitaire – y compris des crimes de guerre – quotidiennement commises par les forces israéliennes : des bombardements disproportionnés ou indiscriminés de civils dans les maisons, les camps ou les abris pour déplacés, à la destruction gratuite de biens appartenant à des familles palestiniennes chassées de chez elles, en passant par les mauvais traitements infligés aux détenus et la brutalisation gratuite des corps des Gazaouis morts dans le conflit.

Des soldats publient également des vidéos sur les réseaux sociaux se montrant en train de commettre de tels crimes, ce qui semble indiquer qu’ils n’ont aucune crainte d’être poursuivis pour des comportements qui violent à la fois le droit international et le code de conduite que l’armée israélienne prétend respecter. Sauf quelques cas exceptionnels, aucun militaire israélien n’a jamais été inculpé ou tenu responsable de ses crimes – des crimes documentés et reconnus par des ONG israéliennes et internationales et par des experts de l’ONU, par la Cour internationale de justice, et par la demande de mandats d’arrêt formulée par le procureur de la Cour pénale internationale contre le Premier ministre et le ministre de la Défense israéliens. L’absence d’enquêtes ou de poursuites concernant des violations graves fait partie d’une longue tradition d’impunité au sein de l’armée israélienne qui remonte à des décennies, et cette impunité ne fait qu’encourager la prolifération des violations.

Alors que celles-ci entraînent la suspension de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël et des sanctions ciblées de l’UE contre les responsables, jusqu’à présent les gouvernements de l’UE n’ont ni condamné ni même reconnu l’ampleur des violations du droit international perpétrées par les forces israéliennes à Gaza. Elles nécessitent pourtant une action urgente de la part de la communauté internationale, notamment de la part des pays amis d’Israël. Aucune nation n’est au-dessus de la loi et même en temps de guerre, tout n’est pas permis. 

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