
Charles Baudelaire
Des Fleurs du mal, en 1857, au Spleen de Paris, paru à titre posthume douze ans plus tard, les indigents et les marginaux occupent une place importante dans la poésie allégorique de Baudelaire (1821-1867). « À une mendiante rousse », troisième pièce des « Tableaux parisiens », peint par exemple une beauté majestueuse mais toxique, triomphant des haillons. La fille, objet de fantasmes, n’a cependant droit à rien de plus qu’un éloge de sa nudité… « Assommons les pauvres », œuvre plus tardive, se hisse au comble de la provocation. Le narrateur y passe à tabac un vieux clochard pour exciter sa fierté, enfouie sous la crasse et les humiliations. Et le sexagénaire offensé finit, en effet, par lui rendre la monnaie de sa pièce… Dérangeante leçon qui suscitera bien des commentaires, souvent contradictoires. Dans un autre poème en prose, « La Fausse monnaie », que nous publions ci-contre, l’écrivain raille une charité paradoxale. Sa cruauté nous touche d’autant plus que Baudelaire lui-même ne fut pas épargné par la misère. Il mourut à 46 ans, à demi paralysé et rongé par la syphilis.