En 2022, les exportations de la Chine vers les États-Unis s’élevaient à 529 milliards de dollars. En 2030 dans un scénario de guerre commerciale, ces exportations devraient baisser de 80,5 % par rapport au scénario de référence, d’après les prévisions du Cepii.
Le scénario repris par le Cepii prévoit une augmentation des droits de douane américains de 10 points de pourcentage sur tous les produits en provenance de tous les pays – excepté le Canada et le Mexique – et de 60 points de pourcentage sur les importations en provenance de Chine.
Balance commerciale
En 2022, la balance commerciale globale des États-Unis était déficitaire d’environ 1 311 milliards de dollars.
La valeur des exportations ne compte pas les frais de transport et autres frais, taxes et charges d’assurance (FOB, Free On Board). La valeur des importations inclut les frais de transport, l’assurance éventuelle, etc. (CIF, Cost Insurance Freight).
Le cas de l’Estonie
Depuis que les États baltes sont réapparus sur la scène internationale en 1991, la sécurité de leurs frontières est au cœur des préoccupations. « Il faut bien comprendre qu’il s’agit d’États de très petite taille, qui partagent plusieurs centaines de kilomètres de frontière directe avec un pays immense qui les a occupés à plusieurs reprises et qu’ils n’ont jamais cessé de considérer comme une menace », nous explique Céline Bayou, chercheuse et enseignante à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco). Et les déclarations de Poutine, qui les accuse régulièrement d’être néonazis et russophobes, ne font rien pour apaiser leurs inquiétudes.
« Pour les États baltes, l’Otan est le partenaire incontournable »
Lors de leur indépendance dans les années 1990, et encore au moment où ils intègrent l’UE dans les années 2000, l’Europe n’est pas, à leurs yeux, une option viable en matière de défense. « Pour les États baltes, l’Otan est le partenaire incontournable, et l’article 5 – qui précise que, si l’un de ses pays est victime d’une agression, chaque membre de l’Alliance considérera cet acte comme une attaque armée dirigée contre l’ensemble des membres et prendra les mesures nécessaires pour l’aider – est la garantie suprême de leur sécurité », souligne la chercheuse, également rédactrice en chef du site Regard sur l’Est.
C’était du moins le cas jusqu’au premier mandat de Trump en 2016, qui a « fait l’effet d’un électrochoc », rappelle Céline Bayou. Les Baltes comprennent rapidement le côté imprévisible du nouveau président américain – celui-ci a par exemple confondu, devant les chefs d’État baltes, leurs pays et les Balkans. Ils s’inquiètent en outre de ses rapports avec la Russie. Néanmoins, tempère la chercheuse, « ils restent alors tout de même en faveur d’un apaisement des relations transatlantiques et sont prêts à donner aux États-Unis tous les gages nécessaires. » Quels gages ? Lors de sa première campagne, Trump avait déclaré à un journaliste qu’il aiderait les pays baltes en cas d’attaque étrangère à condition qu’ils fassent leur devoir, à savoir qu’ils consacrent 2 % de leur PIB à la défense. À l’époque, l’Estonie, bonne élève, avait déjà atteint ces 2 %, ce qui ne l’a pas empêchée de faire pression sur ses voisins letton et lituanien pour qu’ils fassent de même afin de s’assurer la continuité du soutien américain.
L’invasion de l’Ukraine en 2022 marque un nouveau tournant. Le président français multiplie les déclarations en faveur d’une autonomie de la défense européenne. « Les Baltes craignent d’abord l’effet d’éviction, analyse Céline Bayou. Les États-Unis risquaient de prendre cela pour une invitation à se retirer du continent et à se désengager de l’Otan. » Mais, à mesure que la guerre s’installe et qu’un nouveau mandat de Trump se profile, les Baltes deviennent de plus en plus sensibles à l’idée d’une défense européenne. « Le cas estonien est à cet égard très intéressant. La Première ministre d’alors, Kaja Kallas, a ainsi joué un rôle très important dans le soutien de son pays à l’Ukraine, portant la proposition d’achat en commun de munitions. Depuis décembre, elle est haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et incarne le tournant de l’opinion balte vis-à-vis de la stratégie de défense européenne. » Bien sûr, les Estoniens sont toujours atlantistes et continuent de faire confiance à l’allié américain. Ils craignent toutefois les concessions que Trump pourrait faire à Poutine pour négocier la paix en Ukraine et considèrent désormais l’UE comme une véritable alternative de défense.
Lou Héliot
Le Viêtnam, gagnant jusqu’à quand ?
Jusqu’à présent, le Viêtnam était l’un des grands bénéficiaires de la guerre commerciale entre Washington et Pékin, que Trump a attisée, en 2018, en augmentant les droits de douane sur certains produits chinois. Cette offensive commerciale avait généré des stratégies d’évitement : les investissements directs étrangers (IDE), par lesquels des entreprises étrangères acquièrent une entreprise locale ou implantent une filiale, avaient alors afflué dans les pays dits « du contournement », Mexique et Viêtnam en tête. Ces pays présentent l’avantage d’avoir une main-d’œuvre bon marché et, pour le Viêtnam, d’être géographiquement proche de la Chine et de ne pas être soumis aux taxes douanières imposées au « made in China ». Le Viêtnam a ainsi connu une très forte hausse des IDE ces dix dernières années : d’après les statistiques nationales, ils auraient été entre 2017 et 2023 d’un montant de 233 milliards de dollars, soit l’équivalent des IDE enregistrés pendant les trois décennies qui ont suivi l’ouverture économique du pays, à partir de 1986.
Ces investissements ont boosté le développement économique du pays en dynamisant les exportations, qui sont le principal moteur de sa croissance. « Depuis 2017, on a vu la pauvreté reculer et le niveau de vie général augmenter grâce à une hausse de la production et de l’emploi », témoigne Nguyen Duc Kien, ex-vice-président de la Commission économique de l’Assemblée nationale et ancien chef du Conseil économique auprès du Premier ministre. D’ailleurs, le gouvernement a revu à la hausse le niveau du seuil de pauvreté, de 1 dollar par jour à 5 à 7 dollars par jour selon les régions.
« Les Vietnamiens prennent la menace de guerre commerciale très au sérieux »
Mais les États-Unis ne sont pas dupes des raisons de la bonne santé économique du Viêtnam. Donald Trump et son équipe ont bien identifié le mouvement de contournement de la Chine et leurs gagnants. « Les États-Unis pourraient renforcer les restrictions commerciales à l’égard du Viêtnam, compte tenu de l’excédent commercial croissant de ce dernier avec les États-Unis », analyse la Coface, assurance de crédits qui établit des évaluations des risques pays. Les États-Unis sont le premier pays destinataire des exportations vietnamiennes. Bois, textile, chaussures, électronique… 27 % d’entre elles leur étaient destinées en 2023, et le Viêtnam est désormais le huitième partenaire commercial des États-Unis.
Les Vietnamiens prennent la menace de guerre commerciale très au sérieux. L’économiste Nguyen Duc Kien rapporte qu’une réunion a été organisée début janvier avec des chercheurs et conseillers économiques pour exposer différents scénarios. Dans le premier, selon lequel les Américains augmenteraient tous les droits de douane de 10 à 20 %, le Viêtnam continuerait à voir ses exportations croître de 8 % par an. Dans le second, où ne seraient taxés que les produits chinois, le pays connaîtrait une hausse de ses exportations bien supérieure à 8 %. Enfin, dans le troisième, selon lequel la Chine verrait ses droits de douane augmenter de 60 % et le reste du monde de 10 à 20 %, l’accroissement serait bien inférieur à 8 %. « Ce serait le pire scénario », commente Nguyen Duc Kien. Or c’est celui énoncé par Donald Trump pendant sa campagne.
CLAIRE ALET
Made in Mexico
Fort d’une renégociation de son accord de libre-échange sous le premier mandat de Donald Trump, le Mexique a réussi à se hisser, l’an dernier, au rang de principal partenaire commercial des États-Unis, détrônant la Chine. Actuellement, 84 % des biens manufacturés au Mexique sont exportés vers l’Amérique du Nord. Mais sitôt promu, sitôt menacé : le 47e président des États-Unis a annoncé dès sa nomination qu’il imposerait des droits de douane de 25 % au Mexique si ce dernier n’accède pas rapidement à ses demandes, à savoir freiner l’immigration et lutter contre l’insécurité aux frontières.
En 2023, année record, plus de 2,5 millions de personnes ont été arrêtées à la frontière américano-mexicaine, qui constitue par ailleurs, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), l’aboutissement de l’itinéraire terrestre le plus meurtrier au monde pour les migrants (au moins 686 morts et disparus en 2022). Si Donald Trump a annoncé des déportations massives de sans-papiers, il reste encore évasif quant au profil des concernés. Aujourd’hui, environ 4 millions de Mexicains vivent illégalement sur le territoire américain. L’expulsion d’une partie d’entre eux risque d’aggraver un peu plus les problèmes économiques du Mexique, déjà importants depuis la pandémie de Covid-19, ces travailleurs illégaux envoyant chaque mois une partie de leur salaire au pays.
Cette menace proférée par Donald Trump vise aussi à faire réagir le Mexique sur le sujet de l’insécurité, celle-ci étant notamment liée au trafic transnational de fentanyl, un opioïde de synthèse cinquante fois plus puissant que l’héroïne et à l’origine de plus de 500 000 morts aux États-Unis ces vingt dernières années.
Plus officieusement, Donald Trump cherche à saboter la stratégie de contournement de la Chine qui, ces dernières années, a multiplié l’achat de terres et d’usines pour bénéficier du « made in Mexico » sur ses produits, explique un économiste exerçant au sein d’une organisation internationale qui, compte tenu du contexte politique actuel, a requis l’anonymat.
« S’il se montre coopératif, le Mexique pourrait tout aussi bien s’avérer gagnant »
Donald Trump bluffe-t-il ? « Impossible de le savoir à ce stade », répond-il. Nombre d’observateurs pensent qu’il renoncera à mettre sa menace à exécution, trop coûteuse pour le monde des affaires américain, en particulier pour les entreprises détenues par ses soutiens républicains. Le Mexique et les États-Unis sont très connectés, entre autres, dans le domaine de l’industrie automobile, la fabrication de voitures nécessitant parfois plusieurs allers-retours de part et d’autre de la frontière. Une flambée des droits de douane augmenterait amplement le prix des voitures.
S’il se montre coopératif, le Mexique pourrait tout aussi bien s’avérer gagnant. En freinant les importations de Chine et en commençant à produire localement certains biens dans des usines mexicaines et non plus chinoises, le pays d’Amérique latine pourrait renforcer son autonomie et consolider un peu plus encore ses liens économiques avec les États-Unis. C’est là l’un des principaux objectifs du Plan México, un programme de développement présenté par la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum mi-janvier. Avant même l’investiture de Donald Trump, le Mexique montre patte blanche. Reste à savoir si le pays sera en mesure de lutter activement contre l’émigration de ses ressortissants et le trafic de drogue.
Manon Paulic
Sources :
World Bank, World Integrated Trade Solution, 2022 ;
Antoine Bouët, Leysa Maty Sall,Yu Zheng, Le Prix du protectionnisme de Donald Trump,novembre 2024