Il y a soudain comme une faim de référendum en France. C’est le référendum qu’il nous faut, entend-on de divers côtés. Les Gilets jaunes dès le mois de décembre – et ce fut une surprise. Né d’un ras-le-bol fiscal, le mouvement social devenait brusquement politique. Au hasard des cortèges épars, on vit surgir un mystérieux acronyme : le RIC, pour référendum d’initiative citoyenne. Trois mois plus tard, le think tank progressiste Terra Nova publie une étude au terme de laquelle il recommande l’adoption d’un référendum d’initiative citoyenne délibératif.

Cette effervescence autour de ce type de scrutin nous paraît bien mériter un numéro du 1. Trois éléments au moins retiennent l’attention.

Primo, il s’agit d’un net revirement dans la culture politique française, comme l’analyse plus loin Guillaume Tusseau, professeur de droit à Sciences Po. Car très longtemps le référendum a été frappé de discrédit. Les Bonaparte en avaient trop usé, et les républicains le jugèrent du coup contraire à leurs valeurs. Mais voilà, le référendum dans sa forme plébiscitaire n’est pas exactement un référendum, lequel ne ressemble pas au référendum d’initiative citoyenne. 

Secundo, cette volte-face de la société française est profonde, comme l’explique Yves Sintomer, politologue spécialiste de la démocratie participative, dans notre grand entretien. Depuis plusieurs années, 70 % des sondés approuvent l’idée d’instaurer des référendums sur les grands dossiers. Et même dans la classe politique, globalement réticente, des forces ont depuis longtemps préparé le terrain au RIC. Citons la gauche autogestionnaire dans les années 1970, le candidat Brice Lalonde lors de l’élection présidentielle de 1981, ou encore Valéry Giscard d’Estaing dans son livre Deux Français sur trois, en 1984, le Front national en 1988 et Michel Rocard en 1995, juste après sa démission du poste de premier secrétaire du Parti socialiste.

Tertio, cette revendication de démocratie directe et participative témoigne d’un besoin de moderniser un système présidentiel absolu. Ce qui est demandé, avec plus ou moins de gants, c’est que l’exécutif et le législatif concèdent une partie de leur contrôle sur la fabrication de la loi aux citoyens, à charge pour ces derniers de proposer des réformes, de rassembler le nombre de signatures nécessaires, de savoir organiser des assemblées d’information et de réflexion et, in fine, d’obtenir la convocation d’un vote référendaire. Le RIC, qui invite les citoyens à prendre l’initiative, porte bien son nom !