Conception et documentation MANON PAULIC
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« Les déviants politiques sont nécessaires. »
Michel Rocard
Dans la crise du politique que nous vivons, les dirigeants ont singulièrement perdu en leadership. Pourquoi cette perte de crédibilité ? Peuvent-ils la retrouver ?
Commençons par réfléchir sur la bizarrerie du concept de légitimité… La légitimité résulte de l’impression qu’a l’opinion de la carrière d’une personnalité, dans sa continuité, et surtout de sa lisibilité. En temps de guerre, la lisibilité est facile. On sait où est le mal, c’est l’autre. Point ! Tout ce que l’on fait, c’est le bien ! La peur et l’angoisse règnent, donc chaque victoire rassure, devient un triomphe. Les légitimités naissent en temps de guerre. Elles sont en béton armé. Il arrive qu’une légitimité du temps de guerre soit transférée vers le politique en temps de paix. Winston Churchill ? Un vainqueur. Eisenhower ? Un général en chef victorieux avant que d’être un président de compromis. Staline ? Il a survécu en grande partie en raison de sa légitimité du temps de guerre. De Gaulle ? Pure légitimité du temps de guerre, conservée par son talent durant toute son activité politique… Mandela ? Tout bien considéré, une légitimité du temps de « guerre ».
Quand on vit longuement dans la paix, pire quand on vit en démocratie, adieu la gloire ! Le succès ne s’obtient que par le compromis et tout compromis comporte des sacrifices. Terminé, tirez l’échelle. Cette légitimité ne peut être que médiocre. Depuis de Gaulle, personne n’a retrouvé en France une légitimité qui frise 10 % de la sienne.
La spirale du discrédit
Christian Salmon
Dans son célèbre article des lucioles de 1975, Pasolini parlait du discrédit qui frappait la classe politique italienne en ces termes : « Ils n’ont en rien soupçonné que le pouvoir réel agit sans eux et ils n’ont entre les mains qu’un appareil inutile. » Que reste-t-il de l’homme d’État lorsque le pouvoir est privé de ses moyens d’agir ? s’interrogeait Pasolini. Des masques, des spectres en complets-vestons, usant d’une langue morte plus obscure que le latin.
Girouettes
Robert Solé
Accusé d’opportunisme, le regretté Edgar Faure avait joliment zozoté : « Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent. » Au-delà de l’humour et du cynisme, ce pilier de la IVe République, redevenu ministre sous la Ve, énonçait une vérité : l’immobilité est parfois intenable, et même absurde, dans une société qui évolue.