Il y a cent ans, le 16 octobre 1923, deux frères originaires du Missouri, Walt et Roy Disney, fondaient dans le garage de leur oncle, à Hollywood, un studio de dessin animé appelé à devenir mondialement célèbre. Incarné par la silhouette iconique de Mickey Mouse, Disney Brothers Studio, rebaptisé Walt Disney Studio en 1926, allait révolutionner le cinéma d’animation, avec son mélange de fantaisie et d’avant-garde artistique qui fait oublier au public le traumatisme de la guerre et de la Grande Dépression. Forts de ce succès, les deux frères ont su bouleverser plus largement l’industrie de la culture de masse en inventant des œuvres familiales, populaires, déclinées à coups de produits dérivés et dans des parcs d’attractions, le rêve américain en bandoulière.

Cent ans après ses premiers courts métrages, Disney est-il encore capable d’enchanter nos vies ? 

Un siècle plus tard, la firme aux grandes oreilles est devenue un mastodonte du divertissement, une multinationale aux deux cents milliards d’actifs qui rayonne sur tous les continents. Mais, au-delà des chiffres, c’est bien le poids de Disney dans la culture mondiale qui impressionne aujourd’hui. Après avoir épuisé l’étagère des principaux contes de fées, l’entreprise s’est décidée à racheter, ces dernières années, de nombreux studios concurrents. Résultat : elle a désormais autant la main sur les super-héros de l’univers Marvel que sur les Jedi de la galaxie Star Wars, les créatures de Pixar, mais aussi les personnages d’Avatar, des Simpsons, d’Alien, d’Indiana Jones, de X-Men ou encore de Pirates des Caraïbes. Un catalogue quasi exhaustif de la pop culture, qui alimente volontiers les critiques sur la « disneyisation » du monde : standardisation des récits, indigestion de franchises à rentabiliser, épuisement créatif et éclipse des productions indépendantes.

Autour de quelques spécialistes de l’histoire de Disney, mais également des artistes comme le réalisateur soviétique Serguei Eisenstein ou l’autrice jeunesse Susie Morgenstern, ce numéro du 1 revient en longueur sur la saga d’un empire global aussi adulé que critiqué, un mythe qui a nourri nos plus beaux rêves de gosse comme nos pires inquiétudes sur l’uniformisation et l’infantilisation du monde. Cent ans après ses premiers courts métrages, Disney est-il encore capable d’enchanter nos vies ? L’an prochain sera marqué par la sortie d’un film Blanche-Neige, du quatrième épisode de La Planète des singes, du préquel du Roi Lion ou de Captain America 4. Dans Fantasia, sorti en 1940, l’apprenti sorcier au visage de Mickey multipliait les balais jusqu’à en perdre le contrôle et être submergé par les seaux d’eau apportés. Reste à savoir si nous-mêmes n’allons pas finir noyés sous la répétition des productions estampillées Disney…