Sommes-nous devant une nouvelle page du conflit qui menace depuis six mois d’embraser le Moyen-Orient ? En bombardant un consulat iranien en Syrie, le 1er avril, tuant plusieurs dirigeants des gardiens de la révolution, Israël a déclenché un petit séisme dont on mesure jour après jour les répliques. Le 13 avril, Téhéran et ses alliés régionaux lançaient une attaque inédite, envoyant quelque trois cents drones et missiles sur le territoire israélien, quasi tous interceptés par le « Dôme de fer » mis en place par Tel-Aviv et ses partenaires. Et le 19 avril, Israël frappait à son tour des cibles iraniennes, près d’Ispahan, ainsi que des sites militaires en Syrie et en Irak, le jour de l’anniversaire du guide suprême, Ali Khamenei.

Comparés aux tueries du 7 octobre et à l’hécatombe à Gaza, ces échanges de tirs restent pour l’instant très symboliques, et permettent à chaque capitale d’aligner sans frais les déclarations bravaches. Sous pression de la communauté internationale ces dernières semaines, mais aussi de son propre cabinet, Benjamin Netanyahou a même pu se réjouir de cette diversion, qui a resserré le soutien derrière lui et réaffirmé l’appui de son allié américain. Le Premier ministre israélien et le régime des mollahs n’en restent pas moins engagés dans un bras de fer singulier, un jeu mortifère où chacun se tire par la barbichette en attendant que l’autre baisse les yeux. Pour l’instant, les deux pays ne s’envoient que des chiquenaudes, des ripostes « graduées », selon le vocabulaire militaire. Mais jusqu’à quand ? Y aura-t-il un engrenage fatal qui lancera la mécanique du pire ?

Dans ce numéro du 1 hebdo, nous cherchons à repousser les idées simples pour comprendre cet Orient compliqué, où personne n’a intérêt à la guerre mais où tout le monde chemine au bord du gouffre. À quoi ressemblera la nouvelle page qui s’est ouverte ? Les optimistes y verront les prémices d’un Proche-Orient apaisé, où la constitution d’une alliance de raison entre les ennemis de l’Iran – États-Unis, Israël, mais aussi Jordanie, Arabie saoudite ou Égypte – assurerait la sécurité régionale. Les plus pessimistes compteront, eux, les jours avant que le feu des roquettes ne reprenne et que s’ouvrent de nouveaux fronts, notamment au sud du Liban où le Hezbollah attend encore son heure. Dans les deux cas, le sort des Palestiniens, comme celui des otages, ne semble guère être une priorité. À l’heure où se prépare l’offensive de Tsahal sur Rafah, il s’agirait de ne pas les oublier une nouvelle fois.