Vous vous dites à 150 % anglais et à 150 % français. Comment le Français en vous perçoit-il l’Anglais qui cohabite avec lui ?
Je n’y avais jamais pensé ! Je peux réfléchir ? Les Anglais ne sont pas tous pareils. Pensez qu’il existe aussi des Écossais, des Gallois et des Irlandais du Nord qui sont pour la plupart des Celtes. Il ne suffit pas de parler de l’humour. Ce qui caractérise selon moi un certain esprit anglais tient à cette observation : les Anglais sont capables de réfléchir et de parler très sérieusement de choses sérieuses, de se comporter comme des intellectuels et, en même temps, derrière la tête ou juste derrière l’épaule, de manifester un autre esprit qui est le non-sérieux. Très souvent, je remarque que chez les Anglais, la présence permanente de l’humour leur permet d’être sérieux tout en se disant : « Mais qui suis-je pour parler de cela ?! »
À quoi tient cette forme d’autodérision ?
C’est lié, je crois, au fait que la langue anglaise va constamment du concret au cérébral. À cause de sa formation historique, nous parlons à la fois vieil anglais et normand. Nous avons un fond germanique et un fond franco-latin. Le fond germanique, c’est le monde autour de nous, le corps, l’espace qui nous environne, les actions quotidiennes. Le franco-latin, c’est plutôt la possibilité de réfléchir à tout cela, de conceptualiser le réel. Nous passons sans cesse entre ces deux mondes sans y réfléchir. De la même façon, dans la littérature anglaise, on passe constamment de ce qui peut sembler très quotidien au très conceptuel. Du trivial au sublime. De la puce à Dieu. Shakespeare est l’exemple le plus évident. Voyez l’étonnement des Français au xviiie siècle en le lisant. Ils se demandaient : « Comment un grand écrivain peut-il écrire si mal ! » Les Anglais sont toujours et en même temps aux deux extrêmes. J’ajoute une autre singularité propre à la langue. Le français a pris du temps pour devenir fluide, c’est une langue qui ondoie. L’anglais est une langue qui marche et qui court. L’anglais a du muscle.