L’horloge féminine scande une temporalité propre au corps féminin. Cette durée n’a rien de subjectif et clame à chaque instant que la fécondité n’est pas éternelle. Les faits sont là : le pic de fertilité se situe chez les femmes entre 23 et 30 ans. Après, les chances de concevoir ne font que décroître. Or, la carrière type valorisée dans notre société suit un chemin absolument contraire au rythme biologique des femmes. La femme qui réussit sa vie professionnelle fait des études longues – une période peu propice à la maternité – puis se consacre à sa carrière entre 25 et 35 ans – un âge raisonnable pour fonder une famille – et atteint enfin une stabilité professionnelle à l’approche de la quarantaine – au moment où l’horloge biologique commence à s’affoler. Autrement dit, la femme doit faire ses preuves sur le marché de l’emploi au moment le plus propice pour concevoir un enfant. L’injustice est d’autant plus flagrante que les femmes ont deux fois plus de chances d’être embauchées pour des jobs précaires, surtout si elles ont, de surcroît, le malheur d’être jeunes.
Les femmes ont acquis le droit de travailler et de faire des études : c’est un progrès indéniable, qu’elles paient malheureusement au prix fort. Plus les femmes sont diplômées, plus l’âge du premier enfant recule et plus les risques de ne pas avoir d’enfant augmentent. Réussir sa vie professionnelle ou avoir des enfants, faudrait-il donc choisir ? Face à ce dilemme, deux attitudes sont possibles : adapter le corps des femmes au marché du travail, ou adapter le marché du travail au rythme féminin. La première option est soutenue dans toute sa radicalité par le Dr Laurent Alexandre dans une tribune publiée par L’Express le 3 février dernier. Le constat est glaçant : « Plus une Anglaise est douée, moins elle a d’enfants ; moins elle est dotée de bonnes capacités cognitives, plus elle se reproduit. » La solution ? « Il est urgent de favoriser les bébés chez les intellectuelles, ingénieures et chercheuses, même si la génétique de l’intelligence est un sujet tabou et donc insuffisamment exploré. […] La Sécurité sociale devrait rembourser à 100 % la congélation d’ovules chez les femmes scientifiques pour leur permettre de faire des bébés tardifs. » La PMA deviendrait alors un levier social au service d’une vision clairement eugéniste de la procréation.
Au contraire, il serait temps d’achever réellement l’émancipation de toutes les femmes, en tenant compte de leurs spécificités biologiques. Une femme ne perd pas ses facultés intellectuelles passé 40 ans. En revanche, elle hypothèque ses chances d’enfanter naturellement, sans dispositif médical invasif et coûteux. À une époque où l’infécondité et l’espérance de vie augmentent, il est absurde d’imposer aux femmes un cursus professionnel qui aliène leur corps et leur famille au marché de l’emploi et au système technicien. Les femmes qui conçoivent leurs enfants jeunes ont non seulement moins de risques d’être confrontées à l’infertilité ou à des grossesses à risque, mais elles peuvent également s’investir plus tard dans leur vie professionnelle en toute sérénité, forte de leur expérience, sans que leur désir d’enfant vienne gâcher leurs voyages d’affaires. Mais pour cela, encore faudrait-il que les hommes, et la société tout entière, prennent enfin leurs responsabilités.