Trois mois après, les mêmes mots repris tels quels : à l’heure où vous lirez ces lignes, la France aura sans doute un nouveau Premier ministre. Ou pas. Qui sait ? Auréolé du succès des cérémonies de la réouverture de Notre-Dame, Emmanuel Macron prêche encore pour le salut de son camp. Ni le revers aux européennes puis aux législatives, ni l’échec du gouvernement Barnier – le plus court de la Ve République –, n’auront entamé sa volonté de rester au centre du jeu, quitte à tourner le dos au front républicain de juillet. Le président Héphaïstos, censé forger seul la nouvelle majorité, a échoué, mais sans oublier de rejeter la faute sur ses opposants, coupables de faire tomber le gouvernement « à quelques jours des fêtes de Noël » – oubliant par là qu’il avait lui-même provoqué la crise à l’ouverture des vacances d’été.
Face à lui, l’alliance de circonstance de la carpe et du lapin ne dessine pas une majorité alternative. Le Rassemblement national, empêtré dans ses affaires judiciaires, a peut-être jugé qu’à force de jouer les faiseurs de rois, il risquait de ne plus guère passer pour un opposant. Quant à la gauche, elle reste déchirée entre des logiques ennemies, entre des Insoumis décidés à provoquer une présidentielle anticipée, qu’ils pensent pouvoir être emportée par Jean-Luc Mélenchon, et un camp social-démocrate mis sous pression à force de ne plus savoir s’il est dans son rôle de gouverner ou de chahuter.
Et les Français dans tout cela ? Ces mêmes Français qui ont signifié par une participation record aux élections législatives leur inquiétude et leur envie de peser sur la destinée du pays ? La Constitution impose un délai de six mois encore avant de pouvoir leur rendre la parole, au gré d’une nouvelle dissolution périlleuse. Or, début décembre, la dernière enquête « Fractures françaises » de l’institut Ipsos a déjà révélé une chute de la confiance dans l’ensemble du monde politique, depuis l’Élysée jusqu’au Parlement et aux partis politiques. Alors, comment sortir de l’impasse politique, financière et institutionnelle dans laquelle nous nous trouvons ? Ce numéro du 1 hebdo explore les voies d’urgence à emprunter pour éviter le chaos immédiat. Mais il en faudra bien davantage pour résorber le gouffre qui se creuse entre les citoyens et leurs dirigeants. C’est là tout le paradoxe de cette année 2024, qui aura sacré un certain génie national, de la ferveur olympique à la flèche d’une cathédrale, tout en faisant du pays la proie de ces « fractions multiples, divergentes et dévorantes » que dénonçait en son temps le général de Gaulle. Reste à savoir si 2025 permettra au pays de retrouver le droit chemin, ou de s’égarer plus loin encore dans les marécages de la mélancolie…