On peut être un poète avant-gardiste et une célébrité, comme e.e. cummings, élégante figure désargentée du Greenwich Village new-yorkais. L’écrivain iconoclaste, violemment anticommuniste depuis un voyage en URSS, ne prisait rien de plus que la liberté. Il critique ici un monde grevé par les règlements, faisant sienne cette réflexion de William Blake : « Le Bien Général est le prétexte des gredins, des hypocrites et des flatteurs. »
quand les serpents négocieront le droit de se tortiller
et que le soleil fera grève pour gagner de quoi vivre –
quand les épines contempleront en s’alarmant leurs roses
et que les arcs-en-ciel cotiseront à l’assurance vieillesse
quand nulle grive ne saura chanter aucune nouvelle lune
si tous les chats-huants n’ont pas homologué sa voix
– et que chaque vague signera sur le pointillé de la ligne
faute de quoi un océan se verra contraint de fermer
quand le chêne demandera au bouleau la permission
de produire un gland – quand les vallées accuseront leurs
montagnes d’avoir de l’altitude – et que mars
dénoncera avril comme saboteur
alors nous croirons en cet incroyable
inanimal genre humain (et pas avant)
e.e. cummings, Poèmes choisis, traduit de l’anglais (américain) par Robert Davreu
© Éditions Corti, 2004