Y a-t-il vraiment beaucoup d’emplois vacants en France ? Pour répondre à cette question, distinguons d’abord emplois vacants et offres d’emploi non pourvues. Nous définissons les emplois vacants selon plusieurs conditions : l’emploi doit être inoccupé, ou bien occupé et sur le point de se libérer, ou encore nouvellement créé. Il doit être à pourvoir immédiatement ou bien à court terme, c’est-à-dire dans les trois mois suivants. Enfin, il faut que l’entreprise effectue des démarches de recherche d’un candidat en dehors de l’établissement. La définition des emplois vacants est donc plus restrictive que celle des offres d’emploi non pourvues : celles-ci peuvent l’être depuis de nombreux mois ou le recrutement peut avoir été abandonné.
Que nous disent alors les chiffres ? En France, au troisième trimestre 2024, on comptabilise 505 000 emplois vacants dans les entreprises du secteur privé. Cela peut paraître énorme, mais représente en réalité un taux d’emplois vacants de 2,5 %. À noter que, sur la même période, 47 % de ce demi-million d’emplois déclarés vacants correspondent à des emplois inoccupés, 29 % à des emplois nouvellement créés et 24 % à des emplois encore occupés et sur le point de se libérer. On peut ensuite affiner ce chiffre pour comprendre où se trouvent ces postes vacants. Les très petites entreprises, qui comptabilisent moins de dix salariés, sont davantage touchées que les autres, et lorsque l’on regarde le taux d’emplois vacants – qui permet de mieux cerner leur prévalence secteur par secteur –, on voit que ceux de la construction et du tertiaire non marchand – c’est-à-dire les métiers autour de la santé et de l’action sociale hors secteur public – sont très touchés. C’est dans l’hôtellerie-restauration que la proportion est la plus élevée, avec un taux de vacance atteignant 4,7 % au deuxième trimestre.
Ces emplois sont-ils essentiellement à trouver dans les métiers en tension ? On parle de métier en tension lorsque les offres d’emplois relatives à ce dernier peinent à être pourvues. Et, en effet, ce sont ces considérations autour de l’indicateur de tension d’un métier, ou d’un secteur – en gardant en tête que de fortes disparités existent parfois entre des métiers au sein du même secteur –, qui expliquent le nombre d’emplois vacants. Pour mesurer la tension, métier par métier, nous nous basons sur plusieurs composantes, telles que l’écart entre l’offre et la demande – une adéquation liée au fonctionnement normal du marché du travail – ou les anticipations de recrutements. Ces difficultés à embaucher ont plusieurs facteurs que nous mesurons : les conditions de travail contraignantes (pénibilité, horaires, contraintes de rythme…), l’inadéquation géographique entre l’offre et la demande, une intensité d’embauches particulièrement élevée ou encore le manque d’attractivité salariale.
En 2022, d’après une étude de la Dares, les secteurs particulièrement en tension étaient ainsi l’industrie, le bâtiment, l’informatique et les télécommunications… Deux ans après la crise sanitaire de 2020, les tensions augmentaient aussi fortement pour les métiers exercés dans des secteurs affectés par la pandémie : serveurs, apprentis de cuisine, agents de sécurité, conducteurs sur rail, employés du tourisme, ou encore dans les métiers du soin, comme les aides-soignants ou infirmiers.
Depuis cette étude, le nombre d’emplois vacants, qui avait atteint 675 000, a certes diminué. Mais le demi-million d’emplois concernés reste encore un chiffre élevé par rapport à la moyenne des quinze dernières années.
Conversation avec EMMA FLACARD