Je suis allée voir, au lendemain des massacres de janvier, un film bouleversant, Timbuktu. Tout y est saisissant : les images, les paysages, les personnages, les comédiens, et par-dessus tout le sujet. Au Mali, la petite ville de Timbuktu (Tombouktou) est aux mains des islamistes, qui imposent aux habitants, musulmans pratiquants, leurs lois aussi inconvenantes que sévères, et leur justice aussi terrifiante qu'inhumaine. Ce film, tiré de la réalité, se passe au sein de la communauté musulmane, et montre l'horreur de l'extrémisme, son incohérence avec la pratique "normale" de l'islam. La beauté des images et l'impression de douceur qui se dégage du film accentue d'autant la brutalité des actes commis envers des musulmans qui ont, pour seul défaut, de pratiquer leur religion dans la paix et l'harmonie. Ce film est magnifique, et je suis stupéfaite qu'à ce jour on en entende si peu parler. Il faut aller le voir.
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« Les anciens esclaves constituent la base du djihadisme »
Jean-François Bayart
L’Afrique subsaharienne passe pour le berceau d’un islam modéré, très tolérant, mâtiné d’animisme. Pourquoi le djihadisme a-t-il soudain explosé ?
La notion d’islam modéré a été construite par des administrateurs des colonies qui étaient de vrais savants, des orientalistes dont on continue d’utiliser les travaux. Elle a été reprise par tous les présidents de la République qui délivrent régulièrement des appellations contrôlées… Dire qu’il y a un bon islam noir, modéré, sous-entend qu’il existe un mauvais islam arabe. À l’origine, cette notion avait donc pour intérêt de désigner les « méchants », c’est-à-dire les Arabes. Elle avait aussi l’avantage de légitimer l’alliance très paradoxale entre la République française laïque, celle de la séparation des Églises et de l’État née en 1905, et les confréries religieuses du Sénégal, pour construire une sorte de république confrérique coloniale.
Haram
Robert Solé
Le Groupe sunnite pour la prédication et le djihad, fondé en 2002 au Nigeria, est connu sous le nom de Boko Haram. En langue haoussa, boko désigne l’éducation à l’occidentale, tandis que haram est un mot arabe qui veut dire illicite, défendu, par opposition à halal (permis, légitime). Boko Haram proclame ainsi le caractère pernicieux des valeurs et des théories enseignées par les infidèles.