Le cercle de la foi et de la peur
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Un ami originaire d’un pays du Levant m’a demandé quelle serait ma position si le Hamas parvenait à libérer la Palestine. Je lui ai répondu sans hésiter que je serais le premier à le combattre. Mon ami, abasourdi par cette réponse, s’est écrié : « Tu combattrais le Hamas, même s’il libérait la Palestine ?! » Je lui ai dit que oui, même si Israël était rayé de la carte. Un moment après, brisant le silence qui s’était installé, j’ai calmement continué de lui répondre. Je ne suis pas pour l’occupation d’un pays arabe par Israël, mais, en revanche, je ne veux pas remplacer Israël par une nation islamique qui s’installerait sur ses ruines, et dont le seul souci serait de promouvoir une culture de mort et d’ignorance parmi ses fidèles, à une époque où nous avons désespérément besoin de ceux qui en appellent à une culture de vie et de développement, propre à cultiver l’espoir dans nos âmes.
Regardons tous les pays fondés sur la pensée religieuse, regardons leurs peuples et les générations qui y grandissent ; qu’offrent-ils en termes d’humanité et d’humanisme ? Rien, sinon la peur de Dieu et l’incapacité à affronter la vie ; rien d’autre. De telles pensées ont formé et continuent de former des générations inaptes à toute créativité, à toute culture, incapables même de s’inspirer des civilisations qui viennent d’ailleurs, puisqu’elles ne sont pas à même de construire la leur. Ce dont nous avons le plus besoin dans nos sociétés arabes et islamiques, c’est de promouvoir la valeur de l’individu, de défendre sa liberté et de respecter sa pensée, or ces idées sont considérées par les États religieux comme les premières à devoir être combattues.
Voyons ce qui s’est passé lorsque les peuples européens ont réussi à écarter les religieux de la vie publique et à les confiner dans leurs églises. Les nations européennes se sont transformées en pays mus par la volonté de civiliser, de construire l’individu, et d’exporter la connaissance et le savoir dans l’humanité tout entière. En revanche, la mentalité religieuse qui régit chaque détail de notre vie en Arabie saoudite s’acharne tous les jours à consacrer et à imposer son interprétation de la doctrine religieuse salafiste – une doctrine qui remonte à des centaines d’années, sans tenir aucun compte de toutes les transformations et révolutions intellectuelles qu’a connues et que continue de connaître le monde. Est-il donc concevable d’avoir aujourd’hui, à la lumière de tous ces bouleversements, des idées aussi arriérées ? Les États fondés sur la religion enferment leurs peuples dans le seul cercle de la foi et de la peur, tandis que les autres, comme l’a dit le cheikh de la pensée arabe Abdullah al-Qasimi, leur permettent d’exprimer leurs désirs et leurs talents, leur créativité, et leur soif de vie et de civilisation. Si nous ne travaillons pas dès aujourd’hui à réécrire notre histoire, loin de la domination qu’exercent les religieux sur notre vie, et si nous ne redéfinissons pas les bases de notre culture et de notre conscience, nous continuerons toujours d’être à la traîne, et de nous vautrer dans une ignorance désormais inacceptable. Pendant ce temps, les peuples civilisés jouissent de la vie et de l’espoir en des lendemains meilleurs, et, mieux encore, exportent le bien vers les pays en développement. Allons-nous enfin nous réveiller ?
Version abrégée de l’article « Le Hamas et la coexistence avec Israël » paru sur le site web Al-Hiwar al-Mutamaddin, le 15 septembre 2010 et publié en français dans 1 000 coups de fouet parce que j’ai osé parler librement (trad. France Meyer, éditions Kero, 2015 – l’ensemble des bénéfices du livre sont reversés à Raif Badawi pour assurer sa défense).
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