Hier & aujourd’hui
Si les soldats en uniforme se ressemblent tous, les mutins ne se ressemblent pas. Les uns s’expriment pacifiquement, les autres brandissent leurs armes. Les uns rédigent des pétitions, les autres crient des slogans. C’est cette diversité qu’Elsa Delaunay, Alexandre Lafon, André Loez et Nicolas Offenstadt présentent ci-dessous, dans une dizaine de portraits.Temps de lecture : 14 minutes
Envoyé au bagne
Sylvain Poitrenaud, 313e régiment d’infanterie
Certains mutins condamnés pour indiscipline étaient envoyés à Biribi. Biribi ? C’est le terme qui désigne l’ensemble des pénitenciers militaires en Afrique du Nord. La discipline y est des plus rudes. On y pratique allègrement comme punition la « crapaudine » : le supplicié, ligoté pieds et mains rejetés en arrière, doit rester dans cette position sous un soleil brûlant.
Sylvain Poitrenaud, un garçon laitier de 22 ans, s’y trouve relégué. Ce soldat du 313e régiment d’infanterie est accusé de « s’être livré à des violences et d’avoir refusé de rentrer dans l’ordre à la voix de ses supérieurs » le 28 mai 1917, à Brouilles dans la Marne, avec sept autres militaires, lit-on dans le rapport du conseil de guerre. À la suite de ce « refus de monter en ligne », il sera condamné le 8 juin 1917 à dix ans de travaux publics au bagne de Douéra, en Algérie. ELSA DELAUNAY
Condamné à mort
André Vasse, 274e régiment d’infanterie
Cela ne se passe pas au Chemin des Dames. La scène a lieu plus tard, en juin 1917. André Vasse, soldat valeureux, refuse de monter en ligne. Ce clairon du 274e régiment d’infanterie a été plusieurs fois blessé : à la tête par un éclat d’obus en 1914, par balle au bras gauche en 1915, et à la cuisse en 1916. Il est âgé de 24 ans. Avant la guerre, il était tôlier et vivait au Havre.
Sa division connaît un premier épisode de mutinerie très important fin mai 1917. Le 6 juin, menant un groupe de mutins, il s’écrie à son tour : « Allez les gars, n’écoutez pas l’officier qui a l’air de faire des discours ! » Pour juguler l’indiscipline, quatre soldats passent en conseil de guerre le 16 juin, parmi lesquels André Vasse. Le rapport du conseil donne de lui cette description sommaire : « Taille de un mètre et soixante centimètres, cheveux et sourcils châtains, front fuyant, yeux gris-bleu, nez rectiligne, visage long. » Il est jugé coupable de crime de révolte en réunion et d’être l’un des instigateurs de ce crime.
Deux soldats seront condamnés à la peine de mort, mais seul Vasse sera fusillé. Son recours en révision est rejeté et l’exécution a lieu le 2 juillet 1917 à Paars dans l’Aisne. E.D
La veuve et l’orphelin
Arthur Renauld, 70e bataillon de chasseurs à pied
Arthur Renauld, 25 ans, était soldat de 2e classe du 70e bataillon de chasseurs à pied, une unité connue pour la mutinerie de la 7e division. Il est fusillé le 12 juin 1917, à Ventelay, dans l’Aisne. Il laisse derrière lui une femme qu’il a épousée six ans plus tôt dans sa ville natale de Saint-Amand-les-Eaux. à partir de 1932, soit dix-huiat ans après la fin du conflit, celle-ci adresse plusieurs courriers au ministre de la Guerre pour demander la révision du jugement et la réhabilitation de son mari. Elle écrit dans l’une de ses requêtes : « J’ai l’honneur de vous demander que le Jugement par lequel le conseil de guerre de la 47e division d’infanterie a condamné le 6 juin 1917 mon mari le soldat Renauld “Arthur Nicolas” soit déféré à la Cour spéciale de Justice militaire. » Sa demande a notamment pour but d’obtenir le versement d’une pension de veuve de guerre. Démarche appuyée par son fils. La requête sera déclarée irrecevable le 12 mai 1934.
Malgré l’absence de réhabilitation, la commune de Saint-Amand-les-Eaux a inscrit le nom du soldat Renauld sur son monument aux morts. E.D
« Une mutinerie, c’est une grande prise de parole »
André Loez
L’année 1917 est dominée sur le plan militaire par l’offensive Nivelle, en avril, puis par les mutineries de mai-juin. Dans quel contexte se situent ces événements ?
Au niveau international, 1917 est marquée par la première révolution r…
La révolte des marins allemands
Nicolas Offenstadt
Dans les mémoires allemandes du XXe siècle, deux mutineries, en 1917 et 1918, occupent une place aussi considérable que discutée. Elles se sont produites au sein de la marine impériale. La première à Wilhelmshaven, en août 1917, apparaît à la gauche communiste comme u…
La révolte des marins allemands
Nicolas Offenstadt
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