Au cours de l’année 2015, des demandeurs d’asile en provenance de Syrie, d’Irak, de la corne de l’Afrique, et des migrants fuyant les crises politiques et à la recherche de travail se sont présentés dans des proportions inégalées aux frontières de l’Union européenne. Ainsi, plus d’un million d’entre eux ont franchi les frontières de la Grèce, et -l’Allemagne en a pour sa part accueilli près d’un million. Que faire dans ce contexte exceptionnel ? Les textes répondent-ils précisément à cette question ? Selon le dispositif de l’asile adopté par l’Union européenne, les pays membres doivent rester solidaires de la première réponse donnée à la demande d’asile par l’un des pays membres (accords de Dublin I de 1990). Les accords de Dublin II (2003) prévoient que l’étranger doit automatiquement faire sa demande d’asile dans le premier pays européen où il a été enregistré. Autrement dit, Dublin II reporte sur les pays frontaliers des zones de crise du Sud de l’Europe – Italie et Grèce notamment – l’essentiel de l’accueil et de la délivrance du statut de réfugié. Une autre limitation de taille vient s’ajouter au dispositif et le gripper : certains pays de l’Union européenne ne sont pas membres de l’espace Schengen. Ainsi le Royaume-Uni.

C’est de cette combinaison institutionnelle que provient le goulot d’étranglement de Calais. Des demandeurs d’asile et des migrants économiques viennent s’y fracasser dans la dernière étape de leur voyage vers le Royaume-Uni qui assure le contrôle de ses frontières et demande l’application stricte du dispositif de Dublin II. Aujourd’hui, ce n’est plus seulement Calais, mais l’ensemble de la façade française de la mer du Nord jusqu’à Dunkerque, qui est concerné. La France s’est en effet engagée, depuis les accords du Touquet (2003), à bloquer fugitifs et clandestins pressés de gagner l’Angleterre en contrôlant ses frontières.

Calais est désormais une verrue dans un paysage européen marqué par la libre circulation à l’intérieur de ses frontières nationales. Et la frontière franco--britannique apparaît aux non-Européens déjà entrés dans l’Union européenne comme un mur injuste après avoir franchi des milliers de kilomètres à pied, sous la conduite de passeurs qui leur ont promis l’eldorado britannique. La terre promise se situe de l’autre côté de la Manche : un pays, leur a-t-on assuré, où l’on trouve du travail dans les niches ethniques, où il n’y a pas de contrôles d’identité du fait de l’habeas -corpus, où un demandeur d’asile a un toit et peut travailler légalement plus rapidement qu’en France.

Les associations caritatives locales et nationales, de Calais à Dunkerque en passant par Boulogne, ont réalisé un travail considérable pour accueillir les migrants. Certaines militent activement pour la suppression des frontières. Un Anglais a été récemment condamné symboliquement à mille euros d’amende avec sursis pour avoir tenté de conduire clandestinement vers l’Angleterre une petite Afghane de cinq ans. Calais fonctionne bien à la manière d’une trappe.

La France vit son rôle de garde-frontière pour le compte du Royaume-Uni comme un fardeau. Elle en paye les conséquences électorales avec la montée de l’extrême droite. Elle ne parvient pas à contraindre Londres à de nouvelles négociations bilatérales. Faute d’oser brusquer un pays ami et partenaire ou de déléguer la tâche à l’Union européenne. Calais est aussi un piège politique.  

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