« Le soldat est un produit de sa société »
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Comment l’armée envisage-t-elle la désobéissance militaire ?
« En tant que subordonné, le militaire ne doit pas exécuter un ordre prescrivant d’accomplir un acte manifestement illégal ou contraire aux règles du droit international applicable dans les conflits armés et aux conventions internationales en vigueur », lit-on dans le Code de la défense. Dans certaines situations, il existe un devoir de désobéissance. La fin ne justifie pas les moyens. Cela a le mérite d’être écrit noir sur blanc. Ce n’était pas le cas en 1917.
L’armée a-t-elle évolué par rapport à cette notion de désobéissance ?
C’est surtout la société qui évolue. Le soldat est toujours un produit de sa société. Nous ne sommes pas une armée de prétoriens issus d’une caste à part qui aurait ses propres règles et sa propre dynamique de pensée. Nos soldats ont des origines très variées. Ils sont pour l’essentiel en CDD, viennent du civil et retournent ensuite dans le civil. La désobéissance dans l’armée ne correspond pas à une lutte des cols bleus contre les cols blancs.
Qui détermine la légitimité de l’action ?
Le chef de l’État est le chef des armées. L’armée n’a pas à avoir ses propres valeurs. Elle incarne celles de la société qu’elle est chargée de défendre. Il n’y a pas de problème de désobéissance si les soldats pensent que l’action dans laquelle ils sont engagés est morale. C’est à l’autorité politique de ne jamais les mettre en situation de se poser la question de l’immoralité de leur action.
Avez-vous connu ce genre de situation ?
Dieu merci, je n’ai jamais été confronté à des situations telles que le putsch des généraux en Algérie en 1961. La plupart d’entre eux avaient combattu en Indochine. Des hommes se faisaient tuer sous leurs ordres pour une cause qui était perdue. En Algérie, ils se sont dit : plus jamais de morts pour rien. Si on remonte le problème, on voit bien que ce sont les atermoiements des différents gouvernements et l’ambiguïté du général de Gaulle qui ont poussé certains à se substituer à l’autorité politique. Ce même général avait désobéi à l’État légal qu’était l’État français du maréchal Pétain vingt ans plus tôt. Sauf qu’en 1940 c’était une armée étrangère ennemie avec une doctrine raciste qui envahissait la France.
Un ordre peut-il être ressenti comme illégitime ?
Un vieil adage dit : « Si le chef ralentit, les hommes s’arrêtent. Si le chef s’arrête, les hommes s’assoient. Si le chef s’assoit, les hommes se couchent. » En permanence, le chef est exemplaire : il est le premier à exécuter ses propres ordres. Aussi, l’évolution dans la hiérarchie se fait par strates. Un chef n’est pas propulsé à un poste élevé sans être passé par les échelons intermédiaires. Cela permet d’éviter qu’un soldat ressente un ordre comme illégitime.
Quel regard portez-vous sur les mutineries de 1917 ?
Quand nous considérons ces événements avec nos yeux d’aujourd’hui, nous comprenons ces mouvements. Nous pouvons même trouver dérisoires les raisons pour lesquelles le commandement s’est cabré. Seulement, il faut remettre les choses dans leur contexte et saisir quelle était la société de l’époque. Dans l’armée ce n’est pas un sujet tabou. À la demande du gouvernement, le musée de l’Armée a intégré une salle sur les « fusillés pour l’exemple ». Aucun jugement n’est porté. Nous donnons simplement les clés pour comprendre.
Propos recueillis par ELSA DELAUNAY
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