Les modes qui secouent l’Amérique sont souvent tenues pour les signes avant-coureurs des maux qui nous menacent. On redoute une américanisation de la vie politique, une peopolisation à outrance, une société du spectacle débridée qui fait surgir sur la scène publique de riches histrions décomplexés capables de tenir les propos les plus choquants sur la base d’une idée simple : plus c’est gros comme un éléphant, plus ça passe. Cette recette Trump, mélange de haine également distribuée entre les femmes, les immigrés, les journalistes et tous les « profiteurs » du système, est aussi encouragée par le système électoral en place. De fait, les primaires américaines sont singulières. Parce qu’elles sont liées au caractère fédéral des États-Unis, elles obéissent à une logique propre qui les différencie des primaires françaises. Mais la pratique américaine révèle tout de même une tendance inquiétante pour nous. Les primaires d’outre-Atlantique tendent à radicaliser les débats et les positions des candidats : c’est à celui ou celle qui se montrera le plus provocateur, le plus intransigeant sur les questions de société les plus sensibles. Combien de candidats à la primaire républicaine ont dû ravaler leurs ambitions – à commencer par Jeb Bush –, débordés sur leur droite par les coups de l’éléphant blond lâché dans le bain démocratique comme dans un magasin de porcelaine. La leçon vaut d’être méditée : si les primaires sont favorables au triomphe des extrêmes, la tentation existera chez nombre d’électeurs de préférer l’original frontiste aux copies républicaines.
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« Tenace, brutal, satisfait de sa personne, mais par-dessus tout spontané »
Mark Lilla
Comment qualifieriez-vous d’une phrase la campagne de Donald Trump ?
Le fauve est lâché.
Donald Trump est-il un populiste de droite ? Un Berlusconi à l’américaine ? Un conservateur révolutionnaire ? Un fasciste façon Mussolini ? Ou rien de tout cela ?
Il y a effectivement des parallèles à faire entre Trump et Berlusconi, et même entre Trump et Mussolini. Mais Berlusconi a incarné l’homme d’affaires réaliste, pas le populiste de droite – position préemptée par la Ligue du Nord. Et Mussolini avait une ligne politique cohérente. Trump se contente d’être dans la libre association et ce qu’il répète finit par devenir sa « position ». Nul ne verra de cohérence dans ses « politiques » extérieure et intérieure. Ici encore, si l’on veut trouver les parallèles adéquats, il faut se tourner vers l’Imaginaire américain. D’abord, il y a le mythe du solitaire qui dit à chacun ses quatre vérités. Combien de films américains montrent un homme seul qui, bravant l’ignorance, l’indifférence, la corruption d’une institution ou l’opinion publique, parle vrai face au pouvoir et a finalement raison contre tous ? Quelqu’un qui dit « les choses comme elles sont ». Le film de Frank Capra Monsieur Smith au Sénat, dans lequel un simple citoyen, incarné par James Stewart, tient tête au Sénat américain, constitue un modèle en la matière. Trump, homme riche et puissant, a étonnamment su se couler dans ce rôle. (...)
[Brushing]
Robert Solé
On a trop parlé de la chevelure de Donald Trump. Beaucoup trop. Ne comptez pas sur moi pour en rajouter. Nous sommes ici pour traiter des vrais problèmes, non pour flatter les envieux dans le sens du poil.