Le général de Gaulle l’avait taillée à sa mesure. Une Constitution forte pour un homme fort. Une Constitution pour une nation tempétueuse. Une Constitution pour unir un peuple divisé. Je ne sais pas précisément où il était allé puiser son inspiration avec son fidèle Debré, peut-être chez Michelet qu’il avait lu passionnément, sans doute chez César qui avait repéré et su utiliser l’esprit de dispute si répandu parmi les tribus gauloises. En tout cas, le général avait négligé le conseil de Napoléon : « Il faut qu’une constitution soit courte et obscure. »

Ses successeurs se sont employés, chacun à sa façon, et à une cadence de plus en plus effrénée, à déboulonner ce monument, cette Ve République. On ne compte plus les coups de burin, les attaques au piolet, les dynamitages entrepris. L’une des dernières révisions, en 2008, aura modifié 38 articles, soit le tiers de l’ensemble. Et que je rabote le septennat, et que j’inverse le calendrier des élections. Et caetera. Et caetera.

Bien sûr, il s’agit toujours de garantir aux citoyens des droits nouveaux. Moyennant quoi le peuple se sent toujours davantage dépossédé. Peut-être serait-il temps de respecter cette République. De Gaulle, si souvent conspué en son temps, se faisait un devoir de consulter régulièrement les électeurs et de tenir compte de leurs votes. Désavoué lors du référendum de 1969, il démissionna. C’était l’esprit de la Ve. Il a depuis été jeté aux orties. Ce sont bien les grands hommes qui écrivent l’histoire. Pas les textes.