Si vous faites une révolution, faites-la pour vous amuser,
ne la faites pas avec un horrible sérieux
ne la faites pas avec une gravité mortelle
faites-la pour vous amuser.
Ne la faites pas parce que vous haïssez les gens
faites-la seulement pour leur cracher dans l’œil.
Ne la faites pas pour de l’argent
faites-la, et damné soit l’argent.
Ne la faites pas pour l’égalité,
faites-la parce que nous avons trop d’égalité
et que ce serait drôle de renverser le panier de pommes
et de voir de quel côté elles iraient rouler.
Ne la faites pas pour la classe ouvrière.
Faites-la pour que tous nous soyons des petites aristocraties autonomes
et que nous fassions claquer nos talons comme de joyeux ânes délivrés.
De toute façon ne la faites pas pour l’internationale du Travail.
Le travail est une chose dont l’homme a été saturé.
Abolissons le travail, finissons-en avec la servitude !
Le travail peut être gai, les hommes peuvent y prendre du plaisir ; alors ce n’est plus du travail.
Que cela soit ! Faisons une révolution pour la joie !
Quand apprendrez-vous à vous sauver vous-mêmes ? interroge D.H. Lawrence. À ne plus espérer un messie descendu du ciel, un Napoléon pour qui mourir, un Lénine que seul intéresse le soviet. À ne pas croire, non plus, que les républicains peuvent vous sauver. Quand ils ne voient en vous que leur épargne, un « capital avec lequel faire du business ». L’écrivain britannique conspua à de nombreuses reprises le régime démocratique. Parce qu’il impose la loi de la moyenne, au nom de l’égalité. Jusqu’à nous empêcher d’être nous-mêmes, dans notre irréductible singularité. Ne vous vendez pas aux morts, s’indigne le poète, ne devenez pas ces ouvriers esclaves, qui vivent comme des poux. Soyez plutôt à l’écoute de l’énergie sexuelle : des transmetteurs de vie. L’auteur de L’Amant de Lady Chatterley est né d’un père mineur et d’une ancienne institutrice. En explorant les arcanes du désir, il se fait le prophète d’une autre humanité. Contre les mensonges de la pensée, de la consommation et du patriotisme, il fouille nos instincts primordiaux, à la recherche d’une nouvelle totalité. Quelque chose que les sagesses anciennes avaient approché… et que la dégustation d’une pomme peut nous faire connaître. Si vous ne la bouffez pas « comme un cochon », sans rien y goûter, mais la mangez les sens éveillés, vous y reconnaîtrez peut-être « l’été et les neiges, le sauvage désordre de la terre et l’insistance du soleil ». Soit l’unique chose qui importe : un morceau de réel… Et c’est à cela que doivent servir les révolutions.