Quoiqu’étant d’une simplicité biblique, la grammaire française requiert parfois un peu d’attention. Il ne faut pas, par exemple, confondre les verbes pêcher et pécher. Ici, un accent circonflexe ; là, un accent aigu. On peut pêcher à la ligne, à l’asticot, au filet ou au harpon, à condition de porter un petit chapeau chinois sur le « e », alors que le fait de pécher – par action, en parole, en pensée ou par omission –, c’est-à-dire de transgresser un commandement divin, exige une sorte de virgule. Mais, finesse supplémentaire, cet accent aigu peut devenir grave dans la conjugaison : on écrit « je pèche », mais « nous péchons »… L’anglais est moins subtil : dans la langue de Shakespeare et de Donald Trump, pêcher se dit to fish, et pécher to sin.
L’étymologie nous enseigne que les deux verbes français, s’ils se prononcent de la même façon, ont des origines latines différentes. Pêcher est issu de piscare (tenter de prendre du poisson), tandis que pécher vient de peccare (être en faute). Toujours est-il que les noms, eux aussi, entretiennent la confusion : un pêcheur muni de tous les permis ne saurait être assimilé à un pécheur. Au féminin, heureusement, une pêcheuse se distingue aisément d’une pécheresse.
Cela dit, on peut se demander si le Créateur, prévoyant le massacre qui allait être perpétré par la pêche industrielle, n’a pas fait en sorte de provoquer cette homophonie. Siphonner les océans, pêcher de manière aussi sauvage, c’est pécher contre la nature. C’est commettre des péchés mortels, pouvant entraîner la damnation éternelle. Je ne sais pas s’il est encore possible de repêcher ces candidats à l’enfer. Il faudrait les jeter aux requins : punir ces pêcheurs par où ils ont péché.