Le Liban est entré dans l’inconnu. Pendant des mois, le pays du Cèdre a redouté de devenir la victime collatérale des massacres du 7 octobre. Et après un an de tirs échangés entre militants du Hezbollah et soldats israéliens, causant le déplacement de dizaines de milliers d’habitants de part et d’autre de la frontière, la guerre a pris une tournure beaucoup plus dramatique. Depuis le 23 septembre, Tsahal a lancé une campagne de bombardements massifs contre les places fortes du Hezbollah, causant plus de 2 000 morts, dont le chef de la milice chiite, Hassan Nasrallah. Opération militaire poursuivie, dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre, par une invasion terrestre en vue de détruire les infrastructures du mouvement armé par l’Iran, au risque de toucher les soldats de l’armée libanaise et les troupes de la Force armée des Nations unies au Liban.
Le premier bilan de ces six semaines d’offensive est effroyable : de Beyrouth à Baalbeck, c’est la dévastation qui règne dans ce pays grand comme la Gironde. Les pertes humaines sont d’ores et déjà plus lourdes que lors de la guerre de 2006. Quant au nombre de déplacés, il surpasse celui de la guerre de 1982, notamment dans le sud du Liban, rendu quasi inhabitable, où la population peut s’estimer la cible d’une punition collective. Côté israélien, les objectifs de guerre sont clairs : assurer la sécurité de ses habitants du nord, en éradiquant les capacités de nuisance du Hezbollah. Est-ce réaliste ? Cela reste à prouver, comme le montre la résilience du Hamas à Gaza. Surtout, c’est l’ensemble du Liban qui se trouve victime d’une guerre par procuration entre Israël et l’Iran. Dans ce pays déjà épuisé par la kleptocratie, les difficultés économiques et les tensions confessionnelles, le conflit actuel mène au bord du précipice, celui d’un effondrement de l’État qui réveillerait les fantômes de la guerre civile.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Pourquoi le Liban, naguère la perle du Proche-Orient, phare culturel et prospère, est-il devenu l’otage malheureux de ses belliqueux voisins ? « Si vous avez compris quelque chose au Liban, c’est qu’on vous l’a mal expliqué », veut une célèbre formule souvent utilisée par l’historien Henry Laurens. Ce numéro du 1 hebdo va pourtant tenter de relever le gant, pour vous raconter l’aventure d’un pays millénaire, grâce au récit proposé par Robert Solé ou à l’entretien donné par Dominique Eddé. Et offrir quelques clés pour appréhender la mosaïque libanaise, exemple fragile et unique d’une tentative de coexistence dans la région.