Jusqu’à récemment, l’alliance transatlantique a permis de construire une prospérité, une stabilité et une puissance militaire inégalées dans le monde entier. Ses membres – États-Unis, Canada, pays européens – figurent ainsi parmi les États les plus riches et les plus puissants au monde. Cette alliance transatlantique vit sa plus grande crise, non seulement dans le domaine militaire, mais aussi au niveau économique. Le président Trump, qui adopte un prisme très mercantiliste, est visiblement prêt à se lancer dans des guerres commerciales avec le reste du monde. Le risque est donc celui d’un délitement de tous les liens noués entre l’Europe et les États-Unis.
Dans cette épreuve, le défi principal de l’Europe est de réussir à évaluer ce qu’elle considère comme sa plus grande menace stratégique, de déterminer la priorité à accorder à différents sujets – la Russie, les migrations, le terrorisme islamiste… – afin de pouvoir identifier les alliances qui lui sont nécessaires. Car aucun État européen ne peut désormais se permettre d’agir seul, pas même la France, qui dispose certes de la dissuasion nucléaire mais n’a plus un poids économique et militaire suffisant pour constituer à elle seule un pôle géopolitique de la même envergure que la Russie, la Chine ou les États-Unis.
L'alliance transatlantique vit sa plus grande crise
L’Europe dispose-t-elle déjà d’autres partenaires que les États-Unis ? Au niveau militaire, non. Certains pays ont signé des accords bilatéraux avec des États non européens. C’est le cas de la France avec les Émirats arabes, l’Inde ou l’Égypte par exemple. Mais leur échelle n’est en aucun cas comparable à celle du partenariat militaire avec les États-Unis.
Au niveau commercial, les choses sont différentes. Rappelons que l’UE est le bloc commercial le plus important au monde et qu’il demeure extrêmement attractif à l’étranger – même si les Européens eux-mêmes ont tendance à en douter. On parle d’une zone dont les populations ont un pouvoir d’achat important et dont les pays disposent de grandes connaissances en matière d’industrie, d’innovation, de technologie, ainsi que d’une grande puissance agricole.
Les partenaires économiques de l’UE sont nombreux : le Canada, par exemple, ou encore l’Amérique du Sud – les pays du Mercosur, tout du moins – avec laquelle l’Union européenne négocie actuellement un partenariat de libre-échange. Un accord est également en cours de discussion avec les pays du Golfe, qui serait très profitable. En effet, ces derniers ne sont pas seulement riches en hydrocarbures ; ils investissent également énormément dans les technologies de l’avenir. On a ainsi vu récemment l’Arabie saoudite financer la construction en France d’un immense data center. Ces pays ont d’ailleurs la volonté d’être considérés non comme de simples financeurs, mais comme de véritables partenaires.
Il y a là quelque chose reste à inventer
Il y a là une relation à développer, tout comme avec l’Inde, puissance montante, et même avec la Chine, malgré un rapport ambigu, l’UE étant, tour à tour et selon les secteurs, son partenaire, son compétiteur et son adversaire.
Aujourd’hui, les partenariats se jouent d’ailleurs sur deux niveaux : les pays européens entretiennent leurs propres relations bilatérales avec d’autres pays et l’UE noue, elle aussi, des partenariats. Ce qui peut entraîner des difficultés – songeons au bras de fer entre la France et la Commission européenne au sujet du traité de libre-échange avec le Mercosur.
Concernant ce fonctionnement à deux niveaux, quelque chose reste à inventer pour que l’UE soit en mesure de nouer des partenariats gagnant-gagnant, notamment pour aider à la transition écologique, tout en préservant autant que possible sa prospérité économique.
Conversation avec Lou Héliot & Patrice Trapier