Y a-t-il pays au monde où on aime davantage ergoter sur la langue ? C’est bien simple, la plus petite évolution, en France, vire au psychodrame, l’amorce du moindre débat tourne rapidement au vinaigre. Dernier épisode en date : la promotion de l’écriture inclusive, censée gommer les inégalités de genre en domptant la syntaxe, à coups de doubles flexions et de points milieu. L’intention est louable ; le résultat, toutefois, assez improbable. Car c’est oublier que la langue ne naît ni dans les manuels scolaires ni dans les courriels des ministères. Elle a sa vie propre, gamine espiègle qui s’écarte dès qu’elle le peut des carcans et des règles. Déjà dans Les Misérables, Victor Hugo célébrait la vitalité de l’argot, ce « vestiaire où la langue, ayant quelque mauvaise action à faire, se déguise ». Ainsi travestie, la voilà qui embrasse qui veut, sans se soucier du qu’en-dira-t-on. Les mots sont ses passagers clandestins, venus de Californie, du Congo ou d’Italie. Et puis un jour, à force de passer d’une bouche à l’autre, ceux-ci s’installent, prennent leurs lettres de noblesse. L’histoire des dictionnaires s’est ainsi faite, en gravant dans le marbre ces mots de bohème devenus bourgeois. Plus tard, sans doute, on oubliera le magnétoscope et la vuvuzela. Peut-être même adoptera-t-on la fenêtre-intruse et le mot-dièse ! Le temps nous le dira. Mais vouloir imposer ou contrevenir à l’existence d’un mot, c’est oublier cette vérité simple : ce n’est pas nous qui faisons la langue, mais bien la langue qui nous fait.
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« Je suis contre l’idée que la langue doit rester fermée pour subsister »
Alain Rey
Le Petit Robert fête ses 50 ans. Son succès était-il écrit ?
On peut parler de divine surprise. La veille de sa première édition, je me disais que ce serait formidable de réaliser une vente de 20 000 exemplaires. Or, sans publicité, nous avons vendu plusieurs dizaines de milliers de volumes pour atteindre les années suivantes jusqu’à 250 000 exemplaires par an. Son succès doit beaucoup aux professeurs du secondaire, au bouche-à-oreille. Trois semaines après le lancement, la librairie Lamartine, à côté du lycée Janson-de-Sailly, à Paris, nous consacrait une vitrine entière.
Vous avez fait le buzz.
Oui !
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[Amour]
Robert Solé
Il y a une dizaine d’années, l’Institut allemand des relations extérieures avait eu la curieuse idée d’élire « le plus beau mot du monde ». Quelque 2 500 termes, recommandés par des citoyens d’une soixantaine de pays, étaient soumis au vote.
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